Fanfiction
- 3ème Saison « Les jeux sont faits » |
1- 2- 3- 4- 5- 6- 7- 8- 9- 10- 11- 12- 13- 14- 15- 16- 17- 18- 19- 20
18- Ultime jalousie
- Noon ?
- Je te dis que si ! Je les ai vus ensemble, rétorqua Satoshi.Kasumi restait littéralement pantoise suite à l’annonce que Satoshi venait de faire: Takeshi et Michiru s’étaient, contre toute attente, remis ensemble.
Lorsqu’elle y réfléchissait bien, le mois de février avait été riche en évènements : Toya et Takeshi avaient vu leurs pouvoirs s’échanger sans pouvoir les récupérer – ce qui posa de nombreux problèmes à Toya quant à sa délicatesse –, Takeshi s’était emparé de force des pensées de Denchu et…- Alors, ça batifole ? Intervint Kima en les rejoignant dans l’entrée.
Kima s’était peut être remise avec Haneru…
- Non, pas du tout ! Rétorqua Satoshi. Tu connais la dernière ?
- Non…
- Takeshi et Michiru sont à nouveau ensemble ! Reprit-il.
- Ooooooooh !
- Et toi, avec Haneru ? Demanda soudainement Kasumi.
- Ah euh… je… ouhla ! Je vais être en retard, j’y vais ! A plus.Kasumi sourit du changement de sujet de Kima. Lorsque celle-ci ouvrit la porte, un vent froid souffla à l’intérieur, et Kasumi eut tout juste le temps de découvrir que le jardin était recouvert de neige.
Elle remonta en toute vitesse dans sa chambre pour prendre son appareil photo, espérant qu’après les cours, elle pourrait immortaliser la ville endormie sous son linceul blanc, puis décida qu’il était temps pour elle aussi de partir au collège.~*~
Deshi et Denchu marchaient vers le lycée, elles discutaient de tout et de rien et la neige semblait couvrir leurs paroles. Une affiche interpella Deshi qui fit semblant de ne pas la voir. Mais Denchu venait aussi de la découvrir. Elle faisait honneur à la finale d’Ultimate Fighting qui se déroulait dans la ville voisine. Denchu sembla ne pas la voir, mais puisque Deshi ne disait plus rien, la conversation retomba.
Alors qu’elles étaient silencieuses, les pensées de Denchu dérivèrent sur la dernière rumeur : la réconciliation de Michiru et Takeshi.
Même à y réfléchir du mieux qu’elle le pouvait, elle ne comprenait pas le raisonnement du jeune homme.
Elle était désormais à nue devant lui. Elle avait toujours peur des réactions engendrées par ce qu’elle avait vécu et c’est pour cela qu’elle n’en parlait jamais et gardait toujours une distance avec les hommes.
Ce qu’il avait fait avait fini par faciliter la prise de position de la jeune fille. Elle n’avait pas à se reprocher d’avoir dit quoi que ce soit, car il l’avait appris de force…
Il s’était confondu en excuse, mais ç’avait été plus simple de tout rejeter sur lui, de le faire culpabiliser, de ne pas accepter ses excuses, de lui rendre au quintuple ce qu’il lui avait fait endurer, et pas seulement sur son dernier agissement…
Mais où avait-elle faux ? Pourquoi était-il revenu vers elle, vers la sœur de Ryu ?
A mesure qu’elle marchait, le paysage se troublait de plus en plus. Denchu porta ses mains à son visage pour y déloger les larmes qui commençaient à perler…~*~
Il neigeait toujours un enfouissement lent et blanc de tout son. En TP de Sciences, Satoshi s’était installé près de la fenêtre – et du radiateur – pour pouvoir admirer l’aspect éphémère que la neige conférait à la ville, et imaginait ce à quoi pouvait bien ressembler la ville vue de haut.
Il fut interrompu dans sa rêverie par Fumio, un des élèves de sa classe.- Salut Sash !
- Mmh ? Ah, salut.
- Je peux m’installer là ?
- Ouais, s’tu veux…Satoshi déplaça son sac de cours de la table et se remit à observer le paysage en attendant que le professeur entre.
- Dis-moi… Le coupa encore Fumio. Tu… tu sors avec Kasumi ?
- Je… quoi ?! Ah non, non du tout, psst, répondit-il précipitamment en haussant les épaules et secouant nerveusement la tête.
- Ah, non, ok, c’est parce qu’on vous voit souvent ensemble, se justifia Fumio.
- Ben, on habite la même pension, donc c’est normal.
- Ok ! Et tu la connais bien ?
- Oui, plutôt…
- Et elle est avec quelqu’un en ce moment ?
- Euh non… mais pourquoi tu me demandes ça ?
- Ben, je la trouve plutôt mignonne, et je me disais. Enfin, vu que tu la connais bien, tu pourrais lui en toucher un mot !Fumio avait l’air enchanté de sa proposition et ne remarqua même pas l’air embarrassé de Satoshi. Ne voyant pas de réponse de la part de son voisin, il réitéra :
- Hein ? Tu pourras essayer de voir, du moins de tâter le terrain ? Redemanda-t-il, plus inquiet cette fois-ci.
- Oui, je… j’essaierai.
- Et tu me diras ce qu’il en est ! Reprit-il, plus joyeux.Satoshi acquiesça avec un sourire compatissant, puis il sortit son livre qu’il dut partager avec Fumio qui avait oublié le sien, et souffla d’exaspération intérieurement sans vraiment savoir ce qui le gênait le plus chez celui qui s’était installé à côté de lui.
~*~
Yuko rangeait consciencieusement ses affaires lorsque Yugo l’interpella :
- Je pensais que tu aurais revêtu l’habit de Phèdre pour mardi gras…
- Et moi je pensais qu’après notre petite pièce de théâtre tu ne me prêterais plus attention…
- Pourquoi ça ? S’indigna-t-il.
- Eh bien, nous avions été on ne peut plus franc l’un envers l’autre… en novembre dernier lorsqu’on était d’accord sur le fait que nous n’étions pas enchantés de travailler ensemble…
- Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis… Oups, peut-être que tu n’as pas changé d’avis ! Se reprit Yugo ironiquement.
- Je crois qu’il y a une de tes conquêtes qui t’attends… Ne serait-ce pas cette chère Aricie ?Yugo, intrigué, se retourna pour apercevoir une élève de seconde qui l’attendait sur le pas de la porte. Il s’excusa auprès de Yuko et parti voir la jeune fille.
- Quoi, qu’est-ce que tu veux, Nanako ?! Murmura Yugo, irrité.
- Un rapport de la situation… Répondit celle-ci.
- Mais je n’ai pas à te rendre de comptes !
- Oh que si… Tu es le seul à ne pas avoir eu de véritables résultats. Certes ! Tu m’as aidé, s’empressa-t-elle d’ajouter avant qu’il ne la coupe. Mais on nous a donné une mission propre à chacun d’entre nous, propre à chacune de nos capacités, et pour le moment, on n’a vu aucun aboutissement.
- Très bien ! Ce soir, vous aurez un résultat ! Lui répondit-il sauvagement, pour couper court à la conversation.Yuko l’avait rejoint, et Nanako la toisa un moment avant de partir. Yuko, impavide, n’en tint pas compte et sortit à sa suite pour rentrer à la pension.
- C’est avec elle que je bosse certains projets… je la considère comme ma sœur… L’arrêta Yugo.
- Tu n’as pas à te justifier. Mais c’est une grande sœur avec qui tu partages une faible différence d’âge…Yugo ne répondit pas à la dernière phrase de la jeune fille, et enchaîna sur un autre sujet.
- Ah au fait, c’est moi qui avais gardé l’ensemble de ton déguisement et ton livre lors de la pièce. On passe chez moi pour les récupérer ? C’est à cinq minutes.
- … Pourquoi pas…Puisque tu avais les déguisements, pourquoi ne t’es-tu pas déguisé comme Hyppolite ? Reprit-elle, moqueuse.
- Parce que pour moi, tu n’es pas Phèdre, répondit-il d’une voix sibylline.Yuko se retourna, son regard était étonnamment doux. Puis, comprenant qu’elle l’attendait, Yugo pressa le pas, afin qu’ils rentrent ensembles.
~*~
Il avait cessé de neiger et le ciel était très clair. La neige avait recouvert les pas des habitants et les routes avaient perdu leurs teintes grises et boueuses pour arborer une nouvelle blancheur.
- Ah au fait, il fallait que je te dise… Commença Satoshi en donnant un coup de pied dans ce qu’il restait d’un bonhomme de neige.
- Oui ? Oh ! Attends, je dois faire quelque chose ! S’écria Kasumi.La jeune fille partit en courant, et lorsqu’il la vit glisser par endroit, Satoshi trouva plus sûr de la suivre.
- ATTENDS ! OÙ VAS-TU ?!
Mais Kasumi ne l’entendait pas. Elle n’avait qu’une idée en tête : si elle arrivait assez tôt sur les hauteurs, elle aurait la chance d'immortaliser un coucher de soleil qui embraserait la pureté argentée de la ville.
Arrivée à destination, elle sortit son appareil, fit coulisser la dragonne le long de son poignet et s’approcha tout au bord de la colline où elle fut arrêtée par un muret de sécurité. Elle monta dessus pour prendre plus de hauteur et fixa son appareil photo à son œil, prête à le déclencher : lorsque le soleil serait à hauteur des toits des maisons où il incendierait d’une lumière dorée l’étendue blanche.Satoshi arriva à son tour et se figea aussitôt en voyant Kasumi tenir en équilibre sur la rambarde de sécurité.
Elle tourna la tête pour voir qui venait d’arriver mais ce geste la déséquilibra et elle glissa du mauvais côté…Les premières secondes lui firent l’effet d’un gouffre dans son esprit, et lorsqu’elle reprit pleinement conscience, elle flottait… dans les bras de Supreme.
De son dos sortaient deux grandes ailes blanches qui avaient déchiré partiellement son habit.- De… depuis quand as-tu ce pouvoir ?!
- Depuis trente secondes. C’est-à-dire le moment où tu as glissé et où j’ai sauté pour te récupérer.
- Tu savais que…
- Tu as toujours ton appareil photo ?
- Euh… je… oui.
- On va pouvoir en profiter, alors !Satoshi fit passer les bras de Kasumi autour de ses épaules et passa son bras sous les jambes de la jeune fille pour qu’elle puisse voir la ville.
Il prit appui sur ses jambes contre la paroi de la colline et se propulsèrent vers le ciel.Passé son moment de stupeur, Kasumi se ravissait au fur et à mesure qu’elle voyait défiler la ville sous elle.
Elle tenait son appareil photo de la main droite et tendit son bras pour capturer les images qui se succédaient. Elle n’avait pas besoin de regarder dans le viseur. Les prises rafales s’occupaient de stabiliser les différentes vues.
Supreme l’emmenait au gré du vent, qui malgré ses piques froides, conférait une certaine douceur au moment qu’ils vivaient.
Le temple, la forêt et sa clairière, l’école, la pension… Ils survolaient tous les lieux qu’ils connaissaient, mais personne ne semblait les remarquer. Au pire, ils penseront que c’est un aigle qui a capturé une proie… Et lorsqu’ils se diront qu’il n’y a pas d’aigle ici, il sera trop tard ! S’amusait à penser Kasumi à l’idée d’être surpris.
En descendant d’un niveau, ils virent Yuko et Yugo un peu plus bas qui marchaient côte à côte.
Pour éviter de les déranger, ou peut-être par peur de se faire remarquer en train de les espionner, Supreme reprit de la hauteur et se dirigea vers le petit lac de la forêt.
Il se stabilisa un instant pour permettre à Kasumi de prendre son coucher de soleil à un endroit où personne encore ne l’avait pris.
Après les dernières lueurs roses orangées, il descendit en douceur sur la berge et son atterrissage fit crisser l’herbe couverte de givre et de neige. Il posa en douceur Kasumi qui porta aussitôt ses mains à son visage rougi par le froid pour souffler sa chaleur et se réchauffer.- Ouah… c’était…
- Dangereux ! La coupa Satoshi. Ne recommence jamais ça ! S’il y a une rambarde de sécurité, c’est qu’il y a une raison !Kasumi lui offrit un sourire d’excuse. Elle regarda le lac gelé, puis se retourna à nouveau vers Supreme qui la regardait avec un air accusateur. Elle défit son écharpe et l’enroula autour du cou du jeune homme.
- Tu vas attraper froid… Vraiment, si tu tombes malade, je m’en voudrais ! Reprit-elle sur un ton plus autoritaire alors qu’il la refusait.
- C’est préférable de tomber malade, plutôt que de mourir écrasé, non ? Répliqua-t-il, toujours rancunier sans pour autant savoir pourquoi.
- Mais ç’aurait été dommage de voir le pouvoir Supreme incapable de combattre à cause d’un simple rhume.
- Et ç’aurait été dommage de te perdre.Kasumi eut un mouvement de surprise. Il aurait pu lui répondre sur le même ton ironique qu’elle avait employé, mais la simplicité et le naturel de sa réponse avaient coupé court à la petite querelle qui commençait à s’installer.
- Au fait, tu voulais me dire quoi avant que je ne glisse ? Demanda Kasumi pour changer de sujet, tout en reprenant le nouage de l’écharpe.
- De… Rien, rien du tout, répondit-il, adoucit.Cette fois, Kasumi remarqua que c’était lui qui avait été surpris, et lorsqu’elle lui découvrit un sourire doux dessiné sur ses lèvres, elle ne put s’empêcher de déposer un baiser sur sa joue…
- Merci, mon ange.
… Et apprécier à nouveau l’étonnement du jeune homme face à ce geste.
~*~
- Alors ? Demanda Yugo.
- Alors quoi ? Reprit Yuko.
- Eh bien, tu n’as rien dit depuis qu’on marche…
- Je n’ai rien de particulier à dire…
- Bon… Et si tu me parlais… de ton enfance ! Lui proposa-t-il.Tout en marchant, Yuko ouvrit la bouche à plusieurs reprises, mais n’arrivait pas à dire quoi que ce soit. Yugo la regardait avec insistance ce qui l’incita à sortir quelque chose.
- J’ai été adoptée, car mes parents biologiques n’avaient pas les moyens de me garder, puis ma mère d’accueil est morte, alors j’ai recherché et retrouvé ma famille biologique. Ils ont été très heureux de me retrouver, et ils m’ont dit que mon frère vivait dans une pension. Pour m’habituer à eux en douceur, je l’y ai rejoint. C’est pourquoi je suis dans cette école, débita-t-elle à toute vitesse.
- Wow… je ne savais pas que c’était si mouvementé. Et ça te plaît ? Enfin, je veux dire, de vivre avec ton frère, s’empressa-t-il d’ajouter.Après un court instant de réflexion, Yuko eut un léger sourire…
- … Oui… J’apprécie sa présence, même si je ne lui montre pas, et j’ai appris à aimer tous les membres de la pension.
- Ah… oui, c’est bien… répondit Yugo, l’air absent, en détournant son regard.
- Au fait, ça fait plus de dix minutes qu’on marche et on n’est toujours pas arrivés chez toi…
- Je te ramènerai tes livres et les déguisements demain, fit-il, morne.
- Ah d’accord… enfin, ça ne me dérange pas de faire demi-tour.
- Non, c’est bon, je te raccompagne et j’y vais.
- Tu ne veux pas que je vienne chez toi, remarqua tout simplement Yuko.
- … Excuse-moi, souffla Yugo. J’ai mes raisons…
- Que tu ne voudras pas me dire.Ils continuèrent de marcher dans le silence et arrivèrent à la pension où ils se quittèrent sans cérémonie : un simple geste de la main et ils repartaient chacun de leur côté.
Entrée dans la pension, elle la découvrait plutôt agitée. Takeshi ne s’était pas manifesté depuis les cours alors qu’il devait chercher Yumi à l’école – ce fut Toya qui s’en était chargé – et il ne répondait pas à son portable.
Normalement, les Soldier ne se seraient pas inquiétés, mais étant donné que le transfert de pouvoir entre Toya et Takeshi persistait et que les démons n’étaient pas des plus absents, l’inquiétude planait…- Vous ne pensez pas qu’il est… avec Michiru ? Proposa Haneru.
- Non, Toya l’a appelé, répondit Kima
- Comment il a eu son numéro ? Demanda Deshi.
- Je l’avais demandé à Takeshi une fois, dit Toya.
- Et pourquoi ? Reprit la jeune fille.
- Pour pouvoir le joindre au cas où il serait avec elle et qu’il ne répondrait pas au téléphone !
- Ouais, ouais… Bon, ce serait bien de retrouver Takeshi, car il commence à se faire faim !Chacun émettait des hypothèses plus ou moins vraisemblables sur ce qu’il lui était passé par la tête et ils décidèrent communément de l’attendre, parce qu’il aura voulu passer une soirée au calme. Un texto vint même les conforter dans cette idée : « Commencez à manger sans moi, je rentrerai tard. Zoub ».
Denchu, qui ne s’était pas prononcée de la soirée, s’excusa et prétexta un mal de tête pour pouvoir sortir. Le texto que Takeshi avait envoyé sonnait faux. D’une part car ils ne pouvaient pas commencer à manger sans lui, étant donné qu’il devait faire le repas, et d’autre part, jamais elle ne l’avait entendu ou vu signer un « zoub ».
Elle prit un chemin qu’elle connaissait tout juste. Elle ne l’avait emprunté qu’une fois pour encourager les jeunes benjamins qui étaient partis participer à un championnat régional de taekwondo.
Arrivée au stade, elle dut se fondre parmi une foule de gens, tous plus étranges les uns que les autres. Ils avaient tous au moins quatre piercing – au nez pour les plus soft et à tous les endroits du visage improbables pour les autres – et un tatouage leur prenant la moitié du bras, parfois même débordant sur le visage. D’autres semblaient sortir d’un bal où le déguisement de mauvais goût était de mise…
Sachant qu’elle allait vite être repérée, elle regarda dans son sac ce qui pouvait la cacher un peu. Un chouchou, une paire de lunette de soleil – qui ne bougeait jamais de son sac, été comme hiver – et une casquette noire étaient tout ce dont elle pouvait disposer pour se camoufler.
Elle opta alors pour s’attacher les cheveux en queue haute et les recouvrir d’une casquette, se qui cacherait en partie son regard. Elle sortit une paire de ciseau et entailla son jean à contre cœur. Elle n’avait pas peur mais préférait éviter d’être la cible d’une personne mal intentionnée, et surtout espérait ne pas être reconnue dans tel endroit. Non pas que cette manifestation soit interdite, mais même les policiers l’évitaient tant il était le carrefour de débordements, de bagarres et de dealers…- Trente euros…
- Euh… Un instant s’il vous plaît.Denchu ouvrit précipitamment son sac tout en espérant intérieurement ne pas s’être trompée sur sa destination. Elle réussit à réunir vingt cinq euros en billets et dut lutter avec sa petite monnaie pour arriver à trente. Derrière elle, les passionnés commençaient à s’impatienter. Il me les revaudra… Rageait-elle.
L’entrée payée, la jeune fille put entrer et découvrir le stade métamorphosé : en lieu et place du terrain central se tenait une immense cage barbelée. Les tribunes étaient pleines et Denchu avait du mal à se faufiler parmi la foule. Elle réussit néanmoins à atteindre une place qui lui permettait de voir à la fois la cage et l’ensemble des personnes qui composait la salle. Elle balaya rapidement la tribune d’en face, mais abandonna tout espoir de reconnaître le jeune homme. Elle regrettait déjà son idée et décida de partir avant qu’il ne ferme les portes, mais les personnes continuaient à affluer et l’empêchaient d’atteindre la porte d’entrée, lorsque tout à coup, les lumières s’éteignirent et plusieurs projecteurs se fixèrent sur la cage. Les portes se fermèrent dans un bruit sourd qui fut accompagné par les acclamations du public, et les exclamations du commentateur.
- Bienvenue Mesdames et Messieurs à l’affrontement final de l’ULTIMATE FIGHTING ! Vous vous retrouverez ce soir devant de véritables bêtes enragées, et VOUS avez droit de vie ou de mort !! Et que le combat COMMENCE !!
Les lumières vacillèrent et un filin bleu parcouru la cage. Les deux premiers combattants avaient à peine figure humaine, et leur corps semblait avoir été taillé dans la roche. Ils se distinguaient par leur couleur de cheveux : l’un était blond platine et l’autre brun. Leurs muscles saillants coupés par les veines étaient prêts à exploser. Leur torse couvert de tatouages était enjolivé par des ceintures de pics et des accessoires à faire frémir les figures de mode.
Les coups volaient à toute allure, et la victoire alla rapidement au musclor brun qui n’hésita pas à montrer ses dents et à pousser un cri féroce. De par la rapidité du combat, les spectateurs ne semblèrent même pas attirés par la mise à mort, et le blondin bénéficia de l’arrivée des brancards pour un soin rapide.Ecœuré par cette bataille sanglante et injustifiée, Denchu se retourna pour chercher à nouveau une sortie, lorsqu’elle avisa une porte où de nombreuses personnes entraient et sortaient. Elle tenta sa chance à ce niveau lorsque l’écho de la voix du commentateur lui parvint :
- … ça lui permettra de faire un somme et il ne se souviendra même plus avoir été à l’ULTIMATE FIGHTING ! Mesdames et Messieurs, rabattons-nous sur le combat actuel : eh non ! Ne vous fiez pas à sa faible carrure, car nous avons ici un jeune champion qui a gagné le trophée de Guadeloupe à l’âge de seize ans ! Et il a continué de s’entraîner ! L’habit ne fait pas le moine. Il sera face au champion qui se fait petit à petit une belle notoriété suite à un zéro fautes sur ses derniers matchs. Mesdames et Messieurs, accueillez DOJO MASTER et STEEGAL SEVEN !
Au nom de Dojo Master, Denchu se stoppa nette et se retourna. Elle se fraya un chemin parmi les bras déchaînés qui scandaient leur préférence et aperçut Takeshi face à une autre carrure inhumaine. Il est fou ! Il n’a plus sa force… Il va se faire tuer, pensait-elle à mesure qu’elle se rapprochait du centre du complexe sportif.
- Aaah ! Je viens d’avoir une nouvelle à faire passer d’urgence à Dojo Master : « Montre-moi la force de ton amour, ta Michiru qui t’aime et te regarde » ! Ooouh, est-ce que ces mots d’amour suffiront pour affronter notre Steegal Seven ? C’est ce que nous saurons dès le COUP D’ENVOI…
Takeshi sembla fixer mauvaisement une personne du public et il eut juste le temps de baisser la tête avant que le coup d’envoi ne sonne. Le dénommé Steegal Seven se jetait déjà sur son adversaire et lui assena un premier coup de poing, l’envoyant valdinguer sur les barreaux de la cage qui lui renvoyèrent une décharge électrique, l’étourdissant un moment.
Takeshi n’eut pas le temps de retrouver ses esprits car déjà son adversaire déchargeait toute sa haine en le ruant de coups de pieds dans le ventre.
Le dénommé Dojo Master ne faisait rien pour éviter les coups, il ne cherchait ni à se défendre, ni à contre-attaquer.
Au bout de quelques minutes d’acharnement, Steegal Seven délaissa sa victime pour accueillir les acclamations du public. Certains lui lancèrent des fleurs, d’autres, des objets plus inattendus… les barreaux filtraient les nombreuses armes qui pleuvaient, ainsi, une dague réussit à passer, ce qui signifiait qu’il avait l’autorisation d’achever sa proie.
Une grille se baissa au milieu de la cage. Le commentateur précisa qu’il s’agissait de redonner une chance au Dojo Master, qui n’avait pourtant pas réussi à provoquer la pitié parmi les spectateurs.
Takeshi reprenait lentement ses esprits. Sa tête lui tournait lorsqu’il voulut se relever, et il cracha du sang. Peu à peu, ses sens revinrent. La salle lui parut moins trouble, les sons un peu moins lointain, mais un bourdonnement persistait…- … 39… 38… 37… « Relève-toi »… 36… 35… « Relève-toi »… 34… « Takeshi, relève-toi ! »
Cette fois, il l’avait bien entendu. En tournant la tête, il faisait face à un visage caché, dont le regard perçant ne trompait pas. Denchu lui faisait face. Pourquoi a-t-elle l’air si effrayée… ?
La jeune fille joua une dernière fois des bras pour s’approcher de la cage et agrippa les barreaux.- Je t’en prie, ne te laisse pas faire ! Le supplia-t-elle.
- Je… je ne veux pas lui montrer qu’elle a gagné, réussit-il à dire.
- 12… 11… 10…
- Pour moi… fais-le pour moi, lui souffla-t-elle.Et la foule hurla à nouveau lorsque la grille se releva. La mise à mort était enclenchée. L’opposant de Takeshi fonça sur lui, mais le jeune homme para le coup de pied marteau que Steegal allait donner et lui tordit pour se défaire du coin mortel. Denchu, toujours agrippée aux barreaux regardait avec appréhension ce qui allait se passer, puis elle sentit un petit picotement dans ses mains…
Takeshi évitait les coups avec hargne, à la plus grande joie de Michiru. Steegal commençait à s’impatienter et accumulait les erreurs en découvrant certaines parties de son corps à Takeshi qui s’empressait de porter un coup – faible – aux ouvertures. Bien qu’il ait perdu sa force, Takeshi avait gardé les stratégies de combat qu’il avait travaillées. Il réussit ainsi à décrocher un uppercut faisant vaciller Steegal Seven qui tomba en arrière contre la cage. A cet instant, Denchu lâcha les barreaux, et le corps du malheureux se convulsa dans un grésillement terrible. Une odeur de chair brûlée ne tarda pas à se faire sentir…
Takeshi se tourna vers Denchu qui enfonça sa casquette d’une main en se reculant de quelques pas pour se fondre dans la foule. Il jeta un regard vers Michiru qui applaudissait de joie et commençait à descendre de son siège pour venir l’accueillir.Les grilles se déverrouillèrent et on évacua le corps mal en point de Steegal Seven. Takeshi en profita également pour sortir de l’arène. Son corps ankylosé lui rendait sa marche difficile, il se tenait les côtes et boitait mais il voulait absolument atteindre Denchu, et retrouver la douceur de la pension. C’était tout ce qui comptait pour lui à cet instant.
La jeune fille passa son bras autour du dos de Takeshi et l’aidait à avancer, ils réussirent sans mal à se mêler dans la foule en désarroi face à la perte de leur favori.
Au fur et à mesure qu’ils approchaient de la sortie, les portes qui se dessinaient laisser passer un air frais. Denchu les écarta, serra son étreinte sur Takeshi et l’aida à passer outre.Le froid glacial mordait les genoux de la jeune fille, découverts par le jean découpé. Jetant un œil sur Takeshi, torse nu, qui ne se plaignait pas de son état, elle défit son écharpe et la déplia afin qu’elle devienne un châle qu’elle posa sur le dos du jeune homme. Elle continua à avancer mais Takeshi s’écroula : ses pieds nus ne supportaient plus la gerçure de la neige.
Denchu s’agenouilla précipitamment posa son dos sur ses genoux afin qu’il soit surélevé. Elle le recouvrit de ses bras et cherchait une idée.- Je… je vais appeler, tient le coup…
- Excuse-moi… Souffla-t-il.Elle sortit son portable et pianota fébrilement dessus pour appeler Haneru. Elle espérait qu’il viendrait les chercher au plus vite avec l’Espace.
- Attends… Michiru, elle… attends.
Denchu ne l’avait pas écouté et restait collée à la tonalité de son portable. Takeshi se releva, non sans difficulté, pour se précipiter sur la personne qui lui faisait face…
- Je t’avais prévenu, Takeshi. Et je te jure que je vais appliquer ce que…
Michiru n’eut pas le temps de finir sa phrase. La main de Takeshi sur son visage, elle ne résista qu’un instant et, quelques secondes après, ne manifestait aucune envie de se défendre. Elle se laissa glisser, inconsciente, dans les bras de Takeshi.
Denchu, paniquée, se leva à son tour pour les rejoindre, mais Haneru décrocha à ce moment là. Elle lui expliqua en vitesse où ils se trouvaient, et demanda à ce qu’il vienne les chercher le plus vite possible, après quoi elle raccrocha et se précipita auprès de Takeshi. Il était à terre et soutenait Michiru.- Je vais pouvoir tout t’expliquer, mais il faut aller déposer Michiru chez elle… Elle ne se souviendra plus de rien… Et je te promets que Ryu ne te cherchera plus.
~*~
Ils étaient rentrés après avoir déposé Michiru à son domicile. Par chance, ses parents n’étaient pas encore rentrés – même s’ils avaient prévu un scénario pour justifier l’inconscience de leur fille – et ce fut Ryu qui ouvrit la porte. Il laissa entrer Takeshi, et de l’Espace, Denchu pouvait le voir hurler sur le jeune homme qui tenait à peine debout.
Cinq autres minutes passèrent et ils virent Takeshi ressortir, encore plus faible et mal en point que ces dernières heures. Denchu n’avait pas attendu qu’il se retienne à la petite barrière d’entrée. Après être sortie de la voiture, elle vint à sa rencontre et ceintura de ses bras la taille du jeune homme pour le supporter.- Je… je m’excuse tellement pour tout ce qu’il s’est passé… Réussit-il à dire.
- Non, c’est moi qui m’excuse. Je n’ai pensé qu’à moi et je ne voulais pas te faire confiance… Et j’ai remarqué que tu comptais énormément pour moi…Takeshi ne répondit rien, il crut à une hallucination car sa tête lui tournait de plus en plus. Tout ce qu’il désirait maintenant, c’était son lit, et surtout pas l’hôpital – argument auquel Haneru et Denchu n’avaient pas pu le soumettre –.
1- 2- 3- 4- 5- 6- 7- 8- 9- 10- 11- 12- 13- 14- 15- 16- 17- 18- 19- 20