Fanfiction - 3ème Saison
« Les jeux sont faits »

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16- La tisseuse de liens

Le week-end enterrait le mois de Janvier ainsi qu’une partie des sentiments de Michiru.
A n’en déplaire à certains, la jeune fille se montrait plus rarement à la pension et les rencontres avec Takeshi commençaient à devenir houleuses. La tension des premiers résultats des examens blancs n’y était pour rien car tous pouvaient désormais respirer et se reposer pendant leur week-end. Non : c’était lors d’une discussion assez animée qu’ils eurent devant la pension, que Denchu entendit Michiru reprochant à Takeshi de lui mentir. Lorsqu’il lui avait demandé sur quoi, elle ne lui répondit rien. Intérieurement, elle brûlait d’envie de lui dire, mais ne voulait pas entendre sa réponse : pour graver son prénom, Michiru avait gardée le certificat de garantie qui portait le nom de Denchu Risato. Ce n’était donc pas sa mère qui le lui avait offert, mais la rivale qu’elle croyait avoir terrassée…
A la mine déconvenue de son petit ami, Michiru avait compris qu’il avait encore des sentiments pour elle, et dorénavant, elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir le garçon.

~*~

- Ton linge propre, je te mets sur le lit ? Demanda Denchu à Kima.
- Non, tiens, donne-le moi, je vais le ranger de suite…

Kima commençait à sortir le linge du panier et au moment où Denchu allait sortir de la chambre, elle l’interpella, portant au bout de ses doigts un string noir avec des strass sur toutes la ficelle :

- Ca, par contre, ça n’est pas à moi ! Sourit-elle.
- Ah…
- A Deshi, peut-être ?
- Oui, je vais lui demander, mais ça m’étonnerait, répondit Denchu peu convaincue.
- On m’a appelée ? Intervint Deshi à l’entrebâillement de la porte.
- Ah ben tiens ! Ca t’appartient, ça ? Demanda Kima à l’adresse de Deshi en reprenant le string des mains de Denchu.
- Ohla non ! Ca doit être inconfortable d’avoir des strass à ce niveau là…
- Bon… Kasumi ? Proposa Kima aux filles.
- Aaaah, la coquine ! Plaisanta Deshi. On n’a qu’à lui demander !

Les trois filles sortirent de la nouvelle chambre de Kima et s’en furent directement à la chambre d’en face :

- Kasumi, tu es là ?
- Oui, entrez !
- Viens voir par là, intima Kima en entrouvrant la porte.

Kasumi approcha doucement sous l’air moqueur des filles, puis lorsque Kima lui tendit la petite culotte sexy, elle eut un mouvement de recul.

- Allez, avoue ! Fit Kima
- De quoi ? Rougit la rouquine.
- C’est pour draguer les garçons, non ? Satoshi l’a vu ? Lui demanda-t-elle.
- Mais… euh, ce n’est pas à moi, ça, reprit Kasumi en se redonnant consistance.
- A qui ça pourrait être, si ce n’est pas à nous quatre ? Yumi n’est pas en âge de porter ces choses là ! Répondit Deshi.

Kasumi leva discrètement son doigt au plafond et toutes les filles suivirent sa direction.

- Yuko ? Souffla Denchu d’un air incrédule.
- C’est sa couleur, en même temps… Fit remarquer Kima. Autant aller lui demander !
- Non, non, ça va pas ?! L’arrêta Deshi. Elle révise avec Yugo, le petit gars bien séduisant. Tu signerais ton arrêt de mort si tu lui montrais ça !
- Bon, bon, on lui demandera plus tard, mais il ne peut appartenir qu’à elle !

~*~

- ... Digne fils du héros qui t’a donné le jour, délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite. La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte ! Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t’échapper. Voilà mon cœur. C’est là que ta main doit frapper. Impatient déjà d’expier son offense, au devant de ton bras je le sens qui s’avance. Frappe. Ou je te frapperai à mon tour…
- Tu aimerais, hein ? La coupa Yugo.
- Ca ne te dérangerait pas de coller à ton texte ? S’énervait Yuko en retirant son index pointé sur Hippolyte pour le jeu de la scène.
- Hélas, ma douce Phèdre ! Ce n’est pas moi qui ne colle pas au texte. Tu t’es trompée sur la fin. Phèdre dit exactement : « Frappe. Ou si tu le crois indigne de tes coups, si ta haine m’envie un supplice si doux, ou si d’un sang trop vil ta main serait trempée, au défaut de ton bras, prête-moi ton épée », lisait le jeune homme incarnant Hyppolyte.
- Je modernise, rétorqua Yuko.
- La note aussi modernisera notre bulletin scolaire, si tu continues comme ça.
- Simple à dire pour toi, tu réponds deux phrases tout au plus et moi, j’ai des tirades de plus de onze vers à chaque fois.
- Ce n’est pas moi qui ai distribué les rôles.
- Je sais !

Yuko et Yugo restèrent un moment sans se parler. La jeune fille se demandait encore comment elle avait pu avoir le culot de l’inviter à la pension. Après mure réflexion, elle se souvenait de sa démarche : elle ne voulait pas être seule avec lui et la pension lui offrait autant de protecteur qu’un demi groupe en classe.

- Excuse-moi, souffla Yugo.
- Pourquoi tu t’excuserais ? Répondit Yuko, méfiante.
- De te provoquer sans arrêt.

Au moment où Yuko allait ajouter quelque chose, le portable de Yugo sonna et il décrocha.

- Oui, Nanako, j’arrive… Dit-il avant de couper la conversation aussitôt. Je te laisse, je dois y aller, prévint-il à l’adresse de Yuko.
- Oui, j’avais compris… Qui est Nanako ?
- Pourquoi, ça t’intéresse ? Répondit-il, un sourire mesquin aux lèvres.
- Pff, rien…
- On bosse ensemble, et elle m’attend pour son projet.

Yuko voulut demander de quel projet il s’agissait, mais elle refusait de montrer qu’elle s’intéressait au garçon et encore plus de se l’admettre. Elle hocha évasivement la tête pour lui signifier qu’elle l’avait entendu, puis elle se leva, lui rendit son ouvrage et l’accompagna jusqu’à la porte.

- Tâche de connaître tes derniers vers la prochaine fois que l’on étudiera, lui dit Yugo de dos, la main levée en signe d’adieu.
- C’est ça…

Yuko referma la porte derrière elle et se trouva coincée par les quatre jeunes filles de la pension.

- Eh beh, il est pas mal ! Entreprit Kima. Ca fait combien de temps que vous êtes ensembles ?
- Deux heures et quinze minutes, répondit Yuko imperturbablement. Pour travailler l’acte deux scène V de Phèdre.
- Ah oui, ce n’était pas vraiment le sens de ma question. Enfin bref. Dis-moi, ceci t’appartiendrait ? Reprit-elle en lui tendant la fine pièce de lingerie.

Yuko campa son regard noir dans celui de Kima qui ne fléchissait pas. Puis, voyant que celle-ci prenait très à cœur sa demande :

- Non… Je ne joue pas dans ce registre, lui répondit-elle calmement avant de s’en retourner dans sa chambre.

Kima se retourna vers les filles et, en brandissant désespérément la culotte, lâcha :

- Bon ! Ce string n’est pas venu ici tout seul, et il n’y a aucune autre fille dans cette pension à qui il pourrait appartenir…
- En fait, si, il y en a bien une… Rappela Denchu.

~*~

Il était hors de question pour Denchu d’aller voir Takeshi et de lui donner cette petite culotte pour qu’il la remette à sa propriétaire. Après une discussion avec Kima, ce fut Deshi qui fut chargée de la tâche, ce qui ne manqua pas d’embarrasser le jeune homme :

- Mais… qu’est-ce que tu veux que je fasse avec ça ?
- Que tu le rendes à sa propriétaire ! Sourit Deshi.
- Et qui est…
- Takeshi… Souffla la jeune fille. C’est à Michiru !
- Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ! S’exclama-t-il.
- Ben… C’est ta petite amie, non ? Alors… il est normal… que tu connaisses ses sous-vêtements.
- Et on peut savoir ce que tu t’imagines ? Lui demanda-t-il, suspicieux.
- Moi ? Rien du tout ! Ta vie privée ne me regarde pas.
- Nous ne sommes pas allés jusque là avec…
- Lalala, je ne veux plus rien entendre ! Le coupa Deshi en portant ses mains à ses oreilles pour ne plus l’écouter et se dirigeant vers la sortie.

Quelques pas plus loin dans le couloir, l’attendait Kima qui se précipita sur elle :

- Alors ?!
- Toujours pur et innocent !
- Aaah ! Il faut le dire à Denchu.
- Non, non, tout du moins, pas directement ! Il faut le glisser dans une conversation très banale, sinon elle fera celle qui ne veut même pas y prêter attention, et puis elle nous soupçonnera de la soupçonner…
- Et alors…
- Ben… on va éviter les démonstrations de « tu vois, on te l’avait dit ! », non ?

Denchu revenait de la salle de bain et vit la gêne de ses deux amies. Mettant cela sur le comportement qu’avait dû avoir Takeshi, elle ne se renseigna pas plus.

Le dîner se déroulait comme d’accoutumée entre remarques sur les activités du week-end et sur celles à venir. Satoshi ne put s’empêcher de demander à Yuko ce qu’elle avait fait avec le nouveau.

- Ca ne te regarde pas, rétorqua Kima. Tu es encore trop jeune pour ces choses-là !
- Mais…
- Les filles sont plus matures, certes, mais c’est vers les garçons que tu dois te tourner en priorité. D’ailleurs, même tes aînés ici ne sont pas au courant de la chose. Alors laisse-les tenter d’abord, et tu reposeras ta question ensuite, continua Kima en faisant un petit clin d’œil à Deshi, complètement estomaquée.
- Ca te dérangerait d’éviter de dire des stupidités me concernant, s’irrita Yuko.
- Oui, tu n’y étais pas du tout, là… je voulais juste savoir quel cours ils avaient révisé…
- Si, si… J’y étais d’une certaine manière… Murmura Kima.
- Du français. Une pièce de Phèdre que la prof de Français veut nous faire jouer. Et s’il est venu, c’est parce que je n’avais pas envie de me déplacer jusqu’à chez lui.

Le repas se termina sur l’explication de l’œuvre de Racine, et tous débarrassèrent avant de monter dans leur chambre. Denchu arrêta Kima et la prit à part avec Deshi.

- C’était quoi cette allusion tout à l’heure ?
- Quelle allusion… ? Mentit Kima.
- Je ne suis pas dupe…
- Oh, bon ok ! Intervint Deshi. J’ai rendu le string à Takeshi, et j’ai voulu savoir comment il avait atterrit là. Enfin quoi, elle n’a jamais dormi ici, et ça se remarque quand on a oublié de mettre un sous-vêtement !
- Et apparemment, ce n’est pas du sérieux, eux deux ! Ils n’ont jamais consommé ! Reprit Kima, toute enjouée.
- Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse…
- Et voilà, et voilà ! S’exclama Kima.
- C’est bien toi qui nous as posé la question sur notre allusion, non ? Donc ne joue pas à la désintéressée ! Répondit Deshi, prenant son amie dans son piège.

Denchu voulut répondre, mais aucune phrase intelligible ne sortait de sa bouche. La jeune fille soupira et sourit rapidement à ses deux amies avant de tourner les talons pour rejoindre sa chambre. Au fond, elle savait que Kima et Deshi avaient mené cette petite opération pour lui remonter le moral, et elle ne pouvait que leur en être reconnaissante.

~*~

Le lundi fut mouvementé pour les premières ES car le professeur d’économie, face à l’agitation collective, les avait contraint à une interrogation sur le chapitre qu’ils venaient de voir, et le professeur de sciences enchaîna sur un TP noté.
Ces évènements impromptus ne vinrent pas gâcher la bonne humeur de Denchu qui tint jusqu’à la fin de la journée.
C’est en rentrant à la pension et en déplaçant machinalement un pantalon pour le mettre dans le panier de linge sale qu’elle tomba sur la gourmette de Takeshi qui avait glissé de sa poche.
Attendrie, elle ramassa la gourmette pour la reposer sur sa table de nuit, mais elle arrêta son geste lorsqu’elle vit que la plaque était gravée…

Il ne lui avait fallut qu’un coup d’œil pour deviner l’inscription, et d’un prénom pour que sa bonne humeur laisse place à l’amertume.
Elle prit le bijou et sortit de la pension, non sans avoir claqué la porte. Takeshi, qui était passé par le dojo, rentrerait dans la minute, et Denchu ne voulait pas avoir affaire à lui. La seule idée qui lui traversait l’esprit était de montrer à Deshi et Kima qu’elles s’étaient toutes deux trompées. La gourmette en était la preuve…
Sur le chemin du retour, elle croisa Michiru et Ryu qui rentraient ensemble. Michiru lança un regard noir à la jeune fille qui joua la carte de l’indifférence en espérant sincèrement qu’ils ne repasseraient pas par l’école. Quitte à attendre encore un quart d’heure, autant attendre seule.
A la sonnerie de 16h40, Denchu aperçut Kima qui pressa le pas à la vue de son amie.

- Deshi n’est pas encore sortie ? Demanda Denchu.
- Non, elle sort à 17h35. Tu as oublié quelque chose pour être revenue ?
- Non… je voulais juste vous montrer ça…

Denchu tendit la gourmette à Kima qu’elle prit dans sa main pour l’examiner.

- Ah, je vois… Elle a encore oublié ses affaires… Elle joue au petit poucet, cette fille !
- … Je ne pense pas que cette gourmette soit à elle… Les mailles et le bracelet sont trop gros pour que ce soit un bijou féminin.
- A qui est cette gourmette, alors ? S’enquit Kima.
- C’est celle que j’avais offerte à Takeshi… à Noël dernier.
- Ah oui ! Je me rappelle. Elle n’était pas gravée en plus… Et tu crois que c’est lui qui a…
- Je ne crois plus en rien, je voulais juste vous le montrer pour que vous reconsidériez l’aspect de la « relation sérieuse ».
- Tu sais, un bijou, ça ne veut rien dire, répliqua Kima.
- Si. C’est moi qui le lui avais offert… et il a gravé son prénom…

Kima prit Denchu dans les bras, mais ne dit rien. Elle comprenait la peine de Denchu car elle avait elle aussi été abattue lorsqu’elle avait surpris Haneru et Hitomi.
Denchu ne pleurait pas bien qu’elle en avait envie. Elle ne voulait pas qu’un garçon prenne le dessus, que ses sentiments lui fassent constater un nouvel échec.
Oriba venait de sortir et interrompit sans gêne l’étreinte de Kima en l’attirant vers lui.

- J’te ramène ? Ou tu préfères qu’on se fasse un restaurant ou un ciné ?
- Oriba !! Grinçait Kima. J’étais occupée ! Et puis, je rentre avec Denchu !
- Non, c’est bon, je vais attendre Deshi, tu peux y aller, répondit Denchu.

Kima jeta un regard alarmé à Denchu, puis, en relevant la tête, elle croisa le regard d’Haneru.
Elle hésita un instant, mais Oriba avait pris la phrase de Denchu pour accord de la part de Kima et commençait à la tirer par la manche pour qu’elle le suive.
Haneru arriva au niveau de Denchu et s’arrêta. Elle leva son regard vers lui et remarqua qu’il suivait Oriba et Kima des yeux. Après avoir soufflé de dépit, il se tourna vers Denchu qui le regardait toujours avec une mine figée.

- On rentre ensemble ?

Après avoir estimé son attente aux abords du lycée à environ trois quarts d’heure, l’envie de rester pour montrer la gourmette à Deshi la tenta moins. Elle se décida donc de suivre Haneru sur le même chemin qu’elle avait emprunté quelque temps auparavant.

Haneru et Denchu marchaient en silence, à pas lents. Ils cherchaient tout deux quoi dire à son accompagnateur, mais les mots ne venaient pas si facilement, et pourtant, malgré ce silence, ils se comprenaient.
Toutefois, un craquement distinct leur délia la langue. Denchu s’inquiéta de ce bruit mais Haneru la rassura : il n’y avait pas qu’eux qui traversaient la forêt.
C’est lorsque Haneru eut un mouvement de recul d’une extrême violence que Denchu comprit qu’il y avait danger. Elle se transforma aussitôt et chercha le jeune homme des yeux.

Elle ne mit pas longtemps à le trouver : Haneru était plaqué contre un arbre, enchevêtré dans de nombreux fils argentés. Il pouvait à peine bouger et ne pouvait pas atteindre son médaillon pour se transformer.
Thunder accourut vers le jeune homme pour l’aider, mais elle se stoppa net en pleine course. Son visage blêmit lorsqu’elle vit une multitude de points rouges brillants dans la pénombre : face à elle, une énorme tarentule la fixait. Elle n’était qu’à quelques mètres d’Haneru qui ne pouvait même pas tourner la tête pour voir ce qui effrayait la Soldier.

Les chélicères de l’araignée étaient semblables aux pinces de crabes. Acérées, elles luisaient comme lustrées, lorsque la lumière parvenait à pénétrer la densité de l’arbre.
La tarentule humecta ses crochets, et la bave qui coulait jaunissait l’herbe et les feuilles mortes tout en faisant entendre le grésillement d’une brûlure acide.
Thunder s’était reprise mais ne s’approcha pas. Elle arma sa main pour défaire les liens d’Haneru par un éclair vif, mais celui-ci l’arrêta :

- NOON ! Non, ne fait pas… Argh… De l’acier… ces fils… ça me tuerait sur le coup…

L’étreinte des fils se resserrait et l’arachnide s’approchait dangereusement d’Haneru, ses chélicères s’ouvraient comme des pinces prêtes à resserrer son étau sur le cou fragile du jeune homme, mais ce fut Thunder qu’elle visa. En tordant son abdomen, un filet gluant se déversa de ses filières comme un jet puissant qui gicla sur la jeune fille tétanisée. La texture se durcit aussitôt pour devenir aussi tranchant qu’un fil à couper le beurre et Thunder se retrouva au piège : l’araignée ramenait sa proie près de l’arbre où elle pourrait consommer ses deux repas en passant d’un goût à l’autre.

Mais ce fut sans compter l’intervention de Flower qui accourut à l’endroit où elle avait senti le danger.
Oriba avait été réticent à ce qu’elle retourne sur ses pas et l’avait même forcée à poursuivre, ce qu’elle refusa et à son insistance frôlant la menace, un coup de pied bien placé l’avait dissuadé de continuer à contraindre Kima.

Flower venait d’arrêter l’araignée dans son élan de consommation. Les lianes maintenaient les crochets du monstre, mais l’instant d’après, elles étaient tranchées.
Excitée, la tarentule déploya ses huit pattes pour courir sur celle qui l’avait interrompu dans son festin. Elle ménagea son filet tranchant et resserra ses crochets sur la jeune fille qui hurla de douleur. Sa sécrétion se mélangea aux coupures de Flower qui la brûla jusqu’à lui en faire perdre connaissance.
L’araignée lâcha le corps inanimé et, par ses filières, commença à l’enrouler d’un cocon d’acier pour la déguster plus tard et en revenir à ses plats de résistance.

~*~

Kima étouffait. Les battements de son cœur s’accéléraient comme si celui-ci allait éclater. Elle voulait se libérer de son corps prisonnier, elle voulait gonfler sa poitrine pour prendre une inspiration d’air frais, mais tout en elle se bloquait.
Soudain, une lumière l’obligea à ouvrir les yeux et voir d’où elle provenait. Elle était presque aveuglante, mais Kima gardait les yeux rivés sur elle. La chaleur qui s’en dégageait était agréable et lui faisait oublier les frissons qui parcouraient son corps nu et courbaturé. Son bras n’était plus ankylosé et elle put tendre sa main jusqu’à l’étoile rose pour l’accueillir en son sein, en son cœur, l’endroit du corps le plus oppressé.

~*~

Le sort de Thunder et d’Haneru semblait être scellé : ils finiraient dévorés dans le ventre d’une araignée sortie des plus terribles cauchemars. Cauchemars…Il faut qu’ils sachent ! Mais pourquoi je ne me transforme pas en Super ?! Allez ! J’ai besoin de force, Allez !!
Thunder tentait de se libérer des liens qui lui brisaient les poignets, mais en s’acharnant ainsi, elle ne fit qu’entailler un peu plus les blessures déjà bien ouvertes. Le sang qui se déversait des blessures commençait à devenir incessant. Les fils s’enfonçaient de plus en plus dans la chair tendre et ouverte et sectionnaient de nombreux vaisseaux, si bien que Thunder perdit connaissance.

Haneru ne pouvait voir ce qu’il se passait et essayait d’hurler le nom des deux jeunes filles. Plus sa voix se perdait, plus ses appels étaient vains et sans réponses et plus il semblait abattu.

Le cocon où était enfermée Flower explosa, et, telle la chrysalide, Flower s’était métamorphosée. L’araignée, qui avait commencé à défaire les fils pour se nourrir de ses proies étouffées, se tourna vers Flower, puis, pour en finir avec celle-ci, elle se lança à la poursuite de la Soldier qui bizarrement semblait attendre le sort que lui réservait la créature.
Flower porta ses mains jointes à sa bouche murmura quelque chose d’inaudible et une germe apparut dans ses mains. Lorsque l’araignée fut assez près, Elle le porta haut et asséna son coup.

- QUE LES FLEURS DU MAL DETRUISENT TOUT SUR LEUR PASSAGE !!


Des fleurs et des feuilles, semblables à de milliers d’étoiles de ninja, toutes différentes et acérées, vinrent se planter sur la surface exposée de l’araignée : ses yeux éclatèrent par dizaines, un de ses crochets se rompit, et de nombreuses feuilles avaient traversé son corps après qu’elles les eut ingérées.
L’araignée tomba lourdement au sol, son sang coulant de tous les orifices qui avaient été créés, et l’acide qui résultait de ses chélicères désagrégeait son corps.
Flower créa une dernière feuille qu’elle lança en direction d’Haneru et de Thunder. Leurs liens se coupèrent nets et ils retombèrent sur le sol.
Haneru peinait à respirer mais Thunder était complètement inanimée, ce qui amena Flower à reporter toute son attention sur son amie. Elle lui prit les poignets où les blessures suintaient encore et serra ses mains autour des blessures. Thunder se réveilla par la douleur qui fut vite calmée par une sève apaisante qui s’insinuait dans les plaies pour réparer le tissu musculeux détruit.

- Je me fierai aux intuitions féminines la prochaine fois… Sortit amèrement Haneru en se relevant difficilement.

Flower ne répondit pas. Elle aida Thunder à se relever et lui conseilla de prendre un bon antidouleur avant d’aller se coucher.
Thunder se détransforma pour ne pas gaspiller trop d’énergie et Flower l’aida à marcher.

- L’araignée… les cauchemars… Tout est lié… Dit-elle faiblement.

Flower n’entendit pas le murmure de Denchu et continua d’avancer. Ses pensées étaient ailleurs. Haneru suivait silencieusement les deux jeunes filles en boitant légèrement. Il n’en voulait pas à Flower qu’elle ne lui porte pas assistance, mais l’endroit qui lui faisait le plus mal était ce que les fils métalliques n’avaient pas pu atteindre à temps : son cœur.

Au loin, une jeune fille courait à leur opposé. Elle était pâle et son visage était encore baigné de sueur. Elle jeta un dernier coup d’œil à son portable. Tout est dans la boîte ! Pensa-t-elle, satisfaite. Elle ralentit l’allure ferma le clapet du téléphone et son sourire s’étendit sur son visage qui avait repris depuis peu des couleurs.

~*~

Denchu s’était écroulée sur le canapé en entrant. Sa tête tournait et des relents de nausées lui brûlaient la gorge. Tous les autres avaient arrêté leur activité en voyant entrer Denchu, Haneru et Flower avec un uniforme nouveau.
Deshi s’était précipitée sur Denchu et Takeshi voulut faire de même, mais Kima, qui s’était décidée à se détransformer, l’en avait empêché.
Le front brûlant et le corps tremblant, Denchu s’était finalement endormie. Kasumi était partie lui chercher une couverture, et tous attendaient le récit de Kima pour savoir ce qu’il s’était passé.
Après qu’elle leur eut expliqué ce qu’elle avait vu, et qu’Haneru les ait renseignés sur ce qu’il s’était passé avant, ils se demandèrent si les monstres étaient un passage obligé pour qu’ils atteignent le « niveau » supérieur.
Ils discutèrent encore un peu avant d’aller se coucher, et décidèrent d’en parler lorsque Denchu irait mieux, pour avoir sa perception des choses.

Avant d’aller se coucher, Kima fit un détour par le jardin et s’assit sur une pierre qui comblait méthodiquement un trou laissé par une bataille contre les démons.
Elle enleva ses chaussures et caressa l’herbe fraîche de ses pieds nus. Derrière elle, des pas se faisaient entendre, bien qu’ils donnaient l’impression de se vouloir discrets.

- Un jour, quelqu’un m’a dit que la solitude est un jardin où l’âme se dessèche…
- … et que les fleurs qui y poussent n’ont pas de parfum, termina Kima.
- Et je me sens seul depuis que tu n’es plus avec moi, Kima, lui avoua Haneru en s’agenouillant à ses côtés.

Kima détourna le regard et ses doigts de pied se cramponnèrent aux brins d’herbes.

- Tu encensais mes actions, et maintenant, mon cœur se… flétri, continua-t-il.
- Oh, arrête ! C’est toi qui a décidé de tout arrêter, et c’est à cause de toi que nous en… que tu en es là.
- Je sais…
- Alors ne me jette pas la pierre et ne me fais pas culpabiliser.
- Ce n’était pas mon intention. Seulement, lorsque le démon nous a capturé, tu sais, je ne pensais pas à moi ni à mon état. C’est au moment où je t’ai entendue que j’ai vraiment pris peur. S’il t’était arrivé quoi que ce soit, je m’en serai voulu pour toujours car tu es venue pour…
- Pour vous sauver, trancha-t-elle.
- Oui… pour nous sauver. Je te remercie de t’être donné cette peine.

Haneru se releva et s’apprêtait à partir, lorsque Kima attrapa sa main pour l’empêcher d’avancer. Elle regardait toujours l’étendue verte sombre face à elle, et la nuit froide la faisait frissonner.

- Tu me manques… Lui souffla-t-elle. Mais je ne veux pas, je ne veux plus… souffrir.
- … Le problème, c’est que… que je ne peux rien te promettre.

Leurs mains se délièrent et glissèrent lentement. Haneru posa son pull sur les épaules finement musclées de Kima, puis il s’en retourna à la pension pour regagner la chambre qu’il partageait avec la jeune fille.
Kima regarda lentement sa main qui avait tenu celle d’Haneru et elle y enfouit son visage. Elle resta un long moment ainsi, jusqu’à ce que le froid eût raison de la chaleur du pull du jeune homme.

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