Fanfiction - 3ème Saison
« Les jeux sont faits »

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11- Troubles eaux

Les nuits qui suivirent l’arrivée de Kotori, Kasumi fut prise de violent cauchemars où il était question de la lente agonie de ses amis due à la perte de contrôle de son pouvoir.
La jeune fille n’était donc pas très fraîche le matin, puisqu’elle passait une partie de la nuit à gesticuler dans tous les sens et à se réveiller sans cesse, toutes les heures, une crampe à l’estomac.
Apparemment, Satoshi ne pâtissait pas de ces réveils en sursaut puisqu’il avait le sommeil lourd, et étonnement, Yumi aussi.
Kasumi était irritable au plus haut point, ce qui ajoutait encore plus au malaise ambiant de la pension. Même Deshi avait abandonné tout espoir de rétablissement, et prenait son petit déjeuner au calme, en évitant de s’adresser à qui que ce soit, mais elle pensait fortement à Kotori, et le fait qu’il ne voit pas le bon côté de la pension.

La sonnerie du collège venait d’annoncer la récréation et tous sortirent pour accéder à la cafétéria ou reprendre une partie de football laissée en cours.
Toujours aussi fatiguée, Kasumi s’assit sur un banc, près de l’entrée et se prit la tête entre ses mains pour y trouver un peu de calme et reposer son esprit… Faire le vide…

Un ballon vint frapper les pieds de la jeune fille qui se sortit aussitôt de son léger sommeil. Elle le renvoya d’un coup de pied nerveux, et la bande de garçon lui fit un signe en remerciement auquel elle ne répondit pas. Le mal était fait, elle était à nouveau éveillée et il ne restait que dix minutes de pause.
Elle tourna machinalement la tête pour mieux aviser l’heure et se préparer à un nouveau cours, lorsqu’elle aperçut Yumi, l’air hagard, avancer vers l’établissement principal.

- Yumi ? Yumi... ! Qu’est-ce que tu fais là, pourquoi n’es-tu pas en classe ?

Yumi se retourna et lui rendit son plus beau sourire avant de grimper cinq marches et pénétrer dans l’enceinte scolaire réservée aux troisièmes et de refermer la porte derrière elle.
Kasumi se leva et accouru pour arrêter la petite fille, mais elle fut arrêtée par les portes closes, verrouillées de l’intérieur.

- Yumi ! YUMI !! OUVRE LA PORTE, YUMI !! S’écriait-elle à s’en couper le souffle en tambourinant aux portes. De l’aide… J’ai besoin d’aide… Se reprit la jeune fille en voyant toute la cour s’arrêter dans leurs actions pour regarder vers le raffut.

Satoshi s’était avancé prudemment et lorsqu’elle l’aperçut, elle descendit à toutes vitesse le rejoindre et l’agrippa :

- Satoshi… Satoshi, s’il te plaît ! C’est Yumi… Yumi est…
- Calme-toi, Kasumi, je ne comprends rien… Viens, on se met à l’écart pour discu…
- NON ! S’emporta-t-elle en se défaisant du bras du garçon. NON, TU NE COMPRENDS PAS ?! YUMI S’EST ENFERMEE A L’INTERIEUR ! ELLE N’ETAIT PAS DANS SON ETAT NORMAL !!

Satoshi resta bouche bée et décida de suivre Kasumi car elle semblait être sûre de ce qu’elle avançait. Aussi, lorsqu’il s’avança près des portes, sous les regards ahuris des autres élèves, dont certains étaient persuadés d’une mise en scène par la troupe du théâtre, il n’eut aucune difficulté à les ouvrir, mais ce qu’il y avait derrière dépassait toute imagination : un rideau d’eau calme voilait toute la porte d’entrée, la verticalité du liquide prenait le dessus sur les lois de la gravité et la norme de l’horizontal, et l’eau ne s’écoulait pas.

- C’est impossible… Murmura Kasumi. Je rêve… je rêve et je vais me réveiller !

L’enceinte des troisièmes était inondée. Tout était sous l’eau, rien n’était dérangé, rien ne flottait. L’on pouvait croire que le tout formait un ensemble compact et gelé, si c’était sans compter la pureté des reflets et d’un écoulement imperceptible montrant réellement son état liquide.
Satoshi n’hésita pas une seconde et passa au travers du rideau d’eau, le plus étrange était de le voir nager à l’intérieur de l’établissement où tout semblait normal en apparence. C’était comme regarder les poissons du grand large au travers de grandes vitres, dans un environnement inhabituel, il s’éloigna vers les étages, et Kasumi put voir une gerbe de lumière signifiant qu’il venait de se transformer. Il ne va pas pouvoir repasser par la porte…Il ne va pas en ressortir…

Kasumi se tourna et vit tout l’attroupement des élèves se bousculer pour mieux voir, certains pensaient à la fin du monde, d’autres hurlaient pour mieux faire croire à une vision apocalyptique, d’autres encore sortaient leurs téléphones portables pour filmer la scène qu’ils avaient en face des yeux. Quant aux responsables, ils tentaient de contenir cette véritable marée humaine et voulurent empêcher d’autres personnes de s’approcher du lieu, aussi ils s’avancèrent rapidement de Kasumi pour éviter qu’elle n’aille plus loin. Toya leur effacera la mémoire…

En pénétrant dans l’établissement, la transformation se fit aussitôt, toujours sous les yeux ébahis d’une multitude de collégiens qui heureusement, ne voyait que Kasumi entrer et ne devinaient rien d’Ocean. Ainsi transformée, Ocean n’avait pas beaucoup à craindre pour sa respiration étant donné qu’elle avait des prédispositions particulières.
Elle suivit la direction qu’avait prise Satoshi en survolant les escaliers et s’arrêta pour explorer le premier étage et retrouver Yumi.
La petite fille n’y était pas, mais Ocean eut le temps de remarquer l’état des classes : l’encre restait fixée aux pages des cahiers, la craie sur le tableau était aussi étincelante, et les marques du tampon étaient encore visibles.
Ocean continua son ascension mais elle ne trouva aucune trace de Yumi, et de plus en plus alarmée, elle s’attaqua au dernier étage et trouva Supreme, inconscient, flottant de manière fantomatique au dernier étage. Sans doute avait-il espéré trouver de l’air, mais il s’était fait prendre par le temps et par l’espace clos.

Ocean s’approcha de Supreme et le secoua pour qu’il s’éveille. La lueur caractéristique de la détransformation se fit percevoir et la jeune fille savait qu’il ne fallait absolument pas qu’il perde l’énergie de son pouvoir car ça lui serait fatal. Elle prit délicatement la tête du jeune homme et s’inclina pour poser ses lèvres sur les siennes afin de lui transmettre le peu d’air qui lui restait, mais Supreme ne reprit pas connaissance. La seule réponse qu’elle obtint fut l’écho de son cœur qui ne battait plus qu’au ralentit.
Ocean sentait qu’elle aussi n’allait pas tarder à s’essouffler, mais au lieu de céder à un mouvement de panique, elle concentra ses dernières forces à repousser l’eau qui l’entourait pour former une sorte de bulle d’air. Mais son action n’eut pas l’effet escompté car le liquide qui l’entourait n’avait laissé aucun espace pour permettre à l’oxygène de pénétrer et elle gaspilla de l’énergie à vouloir lutter contre le confinement des lieux.
La pression…De l’énergie, il me faut plus d’énergie !

~*~

A quatre heures de l’après-midi, Denchu venait tout juste de rentrer à la pension avec Yumi – et son petit frère qui avait tenu à l’accompagner – et demanda à ce que la petite fille fasse ses devoirs avant de jouer avec Kotori.
Après avoir goûté, le petit garçon proposa son aide pour les devoirs, mais Yumi refusa, rétorquant qu’elle devait y arriver toute seule si elle voulait faire « comme les g’ands » !
A peine assise pour colorier les lettres de l’alphabet et les chiffres qu’elle ressentit un serrement au cœur et tomba de sa chaise.
Elle voulait crier, avertir Nou que quelque chose n’allait pas mais l’air ne venait pas renflouer ses poumons et elle perdit connaissance.

~*~

Au loin apparaissait Ocean recroquevillée, tenant Satoshi pour sentir les battements de son cœur qui était de plus en plus faible.
Yumi quant à elle avait l’incroyable impression de rêver éveillée : elle respirait alors que son corps flottait dans l’eau qui n’était ni froide, ni chaude, ses déplacements se faisaient sans qu’aucun muscle ne vienne à se contracter et aucun son ne se faisait entendre.
A voir l’expression de douleur d’Ocean, et l’inactivité de Satoshi, elle savait que quelque chose n’allait pas, et surtout elle savait qu’elle pouvait agir contre les difficultés qu’ils avaient à endurer.

Plus elle s’approchait d’Ocean, plus Yumi lui apparaissait comme une lueur réconfortante. Ocean ne voyait pas la petite fille, seulement une lumière rose dont elle ne s’effraya pas.
La Soldier se détendit quelque peu et, retenant toujours Satoshi, elle accueillit cette lueur en son cœur.
Tout ce qui lui manqua quelques secondes plus tôt et ce qu’elle pensait impossible s’évacua et elle trouva en elle l’énergie dont elle avait besoin pour faire renaître Supreme.

Toujours agitée, la cour commençait à émettre de sordides hypothèses sur ce qu’il était advenu de Satoshi et de Kasumi.
Cela faisait bien dix minutes qu’ils étaient coincés à l’intérieur, et les sirènes d’ambulances, les pompiers et la police venaient d’arriver sur les lieux, maintenant à une distance certaine les élèves.
Des bandeaux de sécurité barraient désormais la porte d’entrée, et le commissaire Kaioh, en vingt ans de carrière et autant de voyages à travers le monde, n’avait jamais vu ça.
Il s’approcha au plus près de la barrière liquide et la remarquait limpide, mais son observation fut arrêtée par l’émanation d’une lueur vive à la couleur profonde des aigues marines.
La pellicule qui recouvrait la porte commença à enfler comme un soufflé et le commissaire encouragea toutes les personnes à évacuer les lieux, mais il était trop tard.
L’eau jaillit dans la cour et emprisonna tous ses occupants. Aucun d’eux ne pouvaient nager, ils étaient comme pris dans du gel qui les figeait dans leur dernière position.

Ocean apparut, descendant les marches, supportant Supreme toujours inconscient, son bras entourant l’épaule de sa salvatrice, sa respiration et son cœur étant revenus à la normale. Ocean s’arrêta à l’entrée et vit le lac, aussi limpide et transparent que dangereux, d’une beauté saisissante et terrifiante au vu des corps prisonniers de cette masse liquide.
La jeune fille fit s’assoir Supreme contre un mur, avisa l’étendue bleue et s’avança vers celle-ci. Arrivée à la limite qui la séparait de la terre scolaire elle prit son inspiration et continua d’avancer.
L’eau ne la prit pas et la laissa glisser, répétant inlassablement à chaque pas une ondée qui s’étendait jusqu’aux extrémités du lac.

Au fur et à mesure qu’elle avançait, son costume s’effaçait, jusqu’à laisser un instant paraître sa nudité, pour ensuite se reformer, différent, plus pur, le bleu ayant disparu au profit du blanc, et toute l’eau qui l’entourait commença à s’agiter et à venir envelopper Ocean avec une force destructrice puis l’enserrer. En l’espace d’une seconde où tout semblait être perdu pour la jeune fille, l’eau explosa en fine gouttelettes que la Super Soldier écarta d’un geste en la dispersant aux quatre coins de la ville qui ne souffrait pas d’une fine pluie en ce mois d’octobre particulièrement sec.

Débarrassés de l’eau qui commençait à s’insinuer dans leurs poumons, les élèves reprenaient leur souffle en toussant, crachant et râlant.
Ocean accourut auprès de Supreme qui commençait à reprendre lui aussi connaissance bruyamment et ne se souciait pas des bavardages et ragots de ses camarades.

- Eh merde ! Mon portable est foutu, j’avais tout enregistré !! S’indignait l’un.
- Attendez, là-bas, c’est qui cette fille ?! Hurlait un autre.

Le commissaire Kaioh avait devancé le groupe de jeunes et s’adressa à Ocean en ces termes :

- Vos papiers s’il vous plaît.
- Euh… Je ne les ai pas sur moi, et je…
- Alors noms, prénoms, et adresse.
- Je… euh… ne sais pas, je…
- Vous vous fichez de moi ? Je n’ai pas pour habitude d’emmener de force et retenir des jeunes au commissariat, mais ne me faites pas perdre mon temps. Ce qu’il s’est passé ici est très grave, et au vu de votre uniforme, vous ne semblez pas faire partie de l’école. D’autant plus que vous êtes la seule qui n’êtes pas trempée, la coupa-t-il alors qu’elle essayait de répondre. D’autre part, vous n’avez pas pu vous introduire car toutes les entrées ont été bouchées : l’une par l’eau qui retenait l’établissement, et l’autre par nos véhicules et je n’ai vu personne de votre allure entrer ici.
- Je… je suis élève ici. Je me suis changée car nous avions théâtre et…
- Vos noms, prénoms et adresse, jeune fille ! L’interrompit-il encore une fois.

Toute la cour était maintenant fixée sur Ocean - Supreme leur étant hors de vue – silencieuse portant un regard indigné. L’un à l’allure dégingandée osa même s’exprimer :

- Elle ne vient pas de notre collège. Personne ne la connaît ici !
- Bien sûr que si, idiot de Fumio…
- Bien… Mademoiselle, veuillez me suivre au commissariat s’il vous plaît.

Encore transformée et incapable de décliner son identité, Ocean dut se résigner à suivre le commissaire tenace.
Jetant un bref coup d’œil à Supreme qui n’avait pas encore été repéré, elle ne voulait pas qu’il soit aussi entraîné dans cette histoire, qui commençait à prendre un mauvais tournant par sa faute.

Sur le chemin, encadrée par deux policiers, Ocean commençait à se morfondre et se demandait comment s’en sortir. Jamais auparavant il n’y avait eu l’implication de « civils », aucun public, tout se faisait dans l’ombre.
Alors qu’une sonnerie se fit entendre au lycée qui attenait au commissariat, les policiers furent interrompus par des collègues à propos d’une rixe aux alentours. Cela ne faisait que retarder l’échéance à laquelle Ocean essayait de se préparer sans trouver de parades du fait de sa présence inexpliquée au collège.

- OCEAN !?
- Oh ! Toya !! S’écria-t-elle, heureuse de voir un visage ami et éveillé.
- Ocean ? Vous vous appelez Ocean ? Demanda le commissaire Kaioh en se tournant vers la jeune fille.
- Je… euh, oui !
- Et qui est ce Toya ?
- Mon… mon grand frère !
- Bien, il va venir avec nous, si ça ne vous dérange pas, j’aimerai avoir également sa version des faits, puisque vous semblez vous rappeler de votre existence au compte goute. Ca accélérera la procédure.

Tout en demandant à ses hommes de rester près d’Ocean et de laisser l’effectif de l’autre brigade s’occuper de la rixe, le commissaire Kaioh se dirigea près de Toya qui s’était immobilisé par surprise. L’air suspicieux, il regardait la démarche rapide et décidée de l’homme qui lui faisait face.

- Voulez-vous nous suivre avec votre sœur dans nos bureaux, s’il-vous plaît ?
- Il s’agit de quoi exactement ? Répliqua Toya, agacé par le ton désagréable que le commissaire avait employé.
- Votre sœur s’est trouvée sur un lieu où un étrange phénomène est apparu alors qu’elle n’avait strictement rien à y faire. Nous ne l’inculpons de rien, et aimerons tout de même avoir sa version.

Toya regarda intensément l’homme qui lui faisait face et accorda son entretien.
Dans le bureau, Ocean et Toya s’installèrent face à un bureau où le désordre régnait. Feintant une crampe, Toya se leva pour marcher un peu à l’écart de l’interrogatoire où Ocean n’en menait pas large, et réussit à trouver un recoin pour se transformer à sa guise.
L’intense lumière que propageait la transformation conduisit le commissaire à bondir dans la direction, craignant que le jeune homme ne fasse une tentative pour secourir sa « sœur », et une main vint agripper son visage qui se pétrifia de stupeur.
Psy murmurait des phrases incompréhensibles et plus il parlait, plus l’homme cessait de se débattre, ses yeux se voilant de blanc. Transpirant de concentration, Psy relâcha son étreinte lorsque le commissaire laissa retomber ses bras. Il se sentit quelque peu vaciller, mais se reprit lorsque le commissaire parla.

- … Bien… Nous avons terminé pour aujourd’hui… Désolé de vous avoir importuné… Dit machinalement l’homme, le regard dans le vide.

Puis il se dirigea vers la porte et s’adressa à l’inspecteur Aiko – interloqué par le changement vestimentaire du jeune homme – pour qu’il raccompagne, hors de son bureau, les deux personnes qui n’avaient plus rien à faire ici.

En sortant, Psy prit Ocean par la main et la tira dans un recoin afin qu’ils puissent se détransformer.

- Attends ! Il y a tous les élèves de troisième à…
- Modifier leur mémoire ?! L’interrompit Toya, abasourdi.
- O… oui.
- Ecoute, Kasumi, j’ai eu un mal fou à modifier la mémoire de cet homme. Vraiment. Je ne suis plus accompagné par une tutrice, je ne pourrai pas effacer la mémoire d’une centaine d’élèves ! C’est impossible.
- Mais… mais ils ont tout vu ! Certains ont même filmé. S’ils arrivent à récupérer leurs films, ils pourront en faire ce qu’ils veulent.
- Ils t’ont vu te transformer ?
- Non, je ne crois pas, mais ils ont vu que… que Kasumi et Satoshi sont entrés à l’intérieur et n’en sont pas ressortis.
- Ohlala, mais c’est pas vrai… Dans quoi tu t’es mise… ? Et d’ailleurs, c’était quoi ce costume et qu’est ce qu’il s’est passé ?

Après avoir expliqué en détail ce qu’il était arrivé au collège, Kasumi tendit à Toya une broche en forme de cœur, rose nacrée, bombée sur le dessus.

- En tout cas en me détransformant, je n’ai pas retrouvé mon stylo, mais cette… broche.
- Une sorte d’évolution peut-être… Songeait Toya. Aaah, je n’arrive pas réfléchir, j’ai mal à la tête et je n’y comprends rien à cette histoire ! Aucun démon ne s’est manifesté… Je m’en doutais qu’on ne resterait pas tranquille !! S’en prenait-il à lui-même en se tenant la tête. Bon, on rentre, il faut l’expliquer aux autres.
- On peut repasser par le collège ? Satoshi y est resté…
- Tu m’as dit qu’il n’était à la vue de personne, non ? Vu l’heure, il a finit ses cours, et personne ne peut le soupçonner de quoi que ce soit. J’espère juste qu’il aura l’intelligence de trouver un motif pour ton absence, car de ton côté, ça peut paraître suspect.
- Oooh, je m’en veux, Toya… Tout est de ma faute, déclara Kasumi, sa voix tremblant légèrement. Si je n’avais pas dit qu’il y avait Yumi, si je ne m’étais pas exposée ainsi…
- Satoshi serait dans un état critique, continua Toya en posant une main réconfortante sur l’épaule de Kasumi, la forçant à lever la tête et à exposer son visage où de chaudes larmes commençaient à couler.
- Toya… Je ne t’ai pas tout dit. J’ai fait des rêves… Des rêves où je perdais le contrôle de mes pouvoirs, et j’ai l’impression qu’ils prennent le dessus sur moi.
- Viens par là, on va rentrer, tu vas te reposer et prendre des forces, ok ?

Toya passa son épaule autour de la jeune fille pour lui offrir son soutien. Ils continuèrent à marcher jusqu’à la pension, Kasumi prenant appui sur Toya, la tête enfouie dans sa veste qui absorbait ses larmes.

En les voyants ainsi, Deshi – rentrée une heure plus tôt pour éviter une heure de permanence – eut un pincement de jalousie qui fut vite effacé par l’aspect misérable qui se dégageait de Kasumi lorsqu’elle se redressa.
Satoshi était revenu à la pension et avait déjà raconté en partie ce qu’il s’était passé. Cependant, il ne savait ni comment ils s’en étaient sortis, ni où était passée Kasumi. Aussi, lorsque Denchu et Kima s’aperçurent qu’ils étaient de retour, elles furent soulagées, mais n’en assaillirent pas moins leur cadette de questions.

- Hey, doucement ! Laissez-la respirer, je sais ce qu’il s’est passé alors je vais vous expliquer. Quant à toi, Kasumi, tu montes te coucher, lui ordonna Toya.
- Mais, si je refais des cauchemars…
- Mange ! Si elle a besoin de reprendre des forces, il faut qu’elle mange, lui conseilla plutôt Deshi en se justifiant auprès du jeune homme.
- Où est Yumi ? Demanda aussitôt Kasumi.
- A l’étage, avec Kotori. Elle n’a pas quitté la pension depuis que nous sommes rentrés, donc je ne sais pas qui tu as vu au collège.
- Satoshi ? L’appela Toya. On t’a posé des questions lorsque tu t’es réveillé ?
- Oui, pas mal, genre pourquoi j’étais allé à l’intérieur, qu’est-ce qu’il y avait là-haut, où était passée Kasumi…
- Et tu as répondu quoi ? Reprit Kasumi.
- Eh bien, que si j’étais rentré à l’intérieur, c’était pour sauver mon nouveau jeu sur Game Boy « You & Me », afin de dissiper les doutes sur la personne portant le prénom de Yumi. Comme quoi, je ne me souvenais pas de ce qu’il y avait là-haut et que j’avais fait signe pour que tu me rejoignes, et enfin que tu avais réussi à trouver une sortie et que tu avais filé pour prévenir les secours… Si on te demande pourquoi tu n’es pas venue demain, tu n’as qu’à répondre que tu étais sous le choc et que les médecins t’ont demandé de rentrer chez toi.

Kasumi eut un mouvement de recul en entendant le discours du jeune homme, agréablement surprise de ce qu’il avançait : il avait pensé à tout afin qu’ils ne soient pas remis en question et tout se tenait.

- Je suis rentré immédiatement à la pension pour t’y retrouver, même si les pions m’ont demandé de ne pas quitter l’école. J’ai rétorqué que je voulais rassurer ma famille car tu les avais appelé eux aussi, continua Satoshi.
- Eh beh… Rien à dire. Tu as été parfait sur ce coup là, répondit Toya.
- Comme d’habitude ! Se vanta le jeune homme.
- Ouais, on va dire ça… Dites, où est Takeshi ? Il était avec vous ?
- Je ne vois pas ce qu’il ferait avec des troisièmes… Non, il doit suivre comme un chien l’autre frisée, lui répondit Denchu.
- Mmmh, je sens comme une pointe de jalousie…
- Ca n’a rien à voir, Kima. Il a une mission, nous avons une mission, et ce même s’il n’y a plus de tuteurs ! Il n’en a plus rien à faire et ne pense qu’à draguer !! Nous devons redoubler de vigilance et lui invite qui il veut ici !
- Je serai lui, je rétorquerai que tu as laissé entrer ton petit frère…
- Je n’avais pas le choix ! Lui, il l’a !

La conversation fut coupée par l’arrivée d’Haneru et de Yuko, et Kima ne voulut pas rétorquer au risque d’avoir le regard d’Haneru posé sur elle. Toutefois, face au silence pesant et à cette réunion improvisée dans la salle à manger, Haneru demanda ce qu’il se passait. Ce fut Deshi, Toya et Satoshi qui expliquèrent la situation, laissant Kima, Denchu et Kasumi se remettre de leurs émotions.
Aussi, Kasumi se retira face au malaise ambiant pour se rendre dans la chambre qu’elle partageait avec Yumi et Satoshi.
Loin de l’agitation au rez-de-chaussée, Kotori et Yumi jouaient : ils étaient en pleine construction d’une cabane en se servant des couettes, du bureau et des chaises qui se faisaient face pour former l’entrée, et les oreillers étaient mis à terre pour créer un matelas du meilleur confort. En voyant la jeune fille, Yumi rampa vers la sortie et vint se placer contre la jeune fille, en enserrant de ses petits bras la taille de Kasumi.

- Ca va mieux ? Lui demanda-t-elle. Ai entendu que tu appelais ap’ès moi !
- Yumi… C’est toi que j’ai vu entrer dans ce bâtiment ? Demanda-t-elle en se baissant pour être au niveau de la petite fille.
- Oui !
- Et après, l’eau a inondé le collège… Que s’est-il passé ? Où étais-tu ? Satoshi est parti te chercher, et moi ensuite, mais je ne t’ai pas trouvée…
- Non. Moi, suis venu quand il y avait dézà l’eau ! Et toi, tu étais ave’ Soué et tu m’appelais. Suis venue en ‘êve et t’ai donné ce que tu voulais, et tu m’as donné que’que chose en retour.
- Je t’ai donné quoi ? S’étonnait de plus en plus Kasumi
- Sais pas, mais ai que’que chose de toi. Me sens diffé’ente ! Affirma Yumi tout souriante.

Kotori ne comprenait pas trop l’échange entre la jeune fille et Yumi, mais il voulait continuer de jouer et hésita :

- Euh… Yu ?
- Oui ?
- Euh… non, rien, excusez-moi.
- Je pense qu’il veut que vous jouiez ensemble, dit Kasumi à la petite fille. Je te la rends, Kotori !

Yumi retourna à sa cabane avec Kotori, et Kasumi décida de prendre une douche. Elle était sûre que l’eau chaude qui coulerait sur sa peau aurait un effet apaisant et lui ferait disparaître son aversion pour l’eau maléfique et oublier l’espace d’un instant la journée qu’elle avait vécue.

En bas, la discussion s’était calmée, chacun réfléchissant dans son coin à ce qu’il avait pu se passer et qui pouvait bien être derrière tout ça.
Yuko avait un nom en tête. Si c’était arrivé aux troisièmes et aujourd’hui, ce n’était pas par hasard : elle-même avait été absente aujourd’hui car elle devait se présenter, avec Haneru et ses parents, à la mairie pour qu’elle ait des papiers et pour la réinscrire sur les listes. Elle ne partagea pas le prénom de Yugo avec les autres par peur de leur réaction. Pourquoi ne pas leur dire ? Non, ils vont croire que je me fixe trop sur… Réfléchissait-elle en essayant de chasser l’image du nouveau de sa tête. Sentant une trop forte pression entre son esprit et les réactions de son corps, Yuko quitta subrepticement la salle à manger pour rejoindre au calme sa chambre.

- Kasumi va mieux maintenant ? demanda Haneru. Vous m’avez dit qu’elle était faible…
- Oui, Toya l’a portée jusqu’ici… Répondit Deshi avec une pointe de jalousie dans la voix.
- Quoi encore ?! Je n’allais pas la laisser dans cet état là ! Répondit Toya avec agacement.
- Mais je n’ai rien dit, rétorqua vivement Deshi.
- OK, tu m’expliqueras ta petite saute d’humeur tout à l’heure. Pas la peine que tout le monde pâtisse d’une discussion futile.

Le discours s’étant plus qu’envenimé, chacun regagna sa chambre. Le repas n’était toujours pas préparé car Takeshi était absent, mais personne ne se souciait de ce qu’il pouvait bien advenir du jeune homme.
Deshi était restée dans la salle à manger, contre le mur, les bras croisés à bouder après la réflexion de Toya. Lui aussi était resté pour mettre la table, et ayant remarqué que la jeune fille n’avait pas suivi Denchu, il arrêta son action.

- Bon, quoi ?!
- Rien.
- Ah, très original… Si typique des réponses de filles.
- Arrête de me faire passer pour une imbécile, c’est tout.
- Ce n’est pas moi qui ai sorti une pointe lorsqu’on parlait de l’état de Kasumi.
- Je n’ai pas lancé de pointe ! Nia-t-elle aussitôt. J’ai juste dit…
- Que je l’avais portée jusqu’ici, je sais, la coupa Toya. Et le ton y était.
- Ah bon ? Désolée, je ne m’en suis pas rendue compte… J’étais… fatiguée, répondit-elle en se souvenant des excuses de Denchu lorsque ça n’allait pas et qu’elle n’avait pas envie d’impliquer dans ses problèmes la personne qui lui faisait face.
- Fatiguée… ? On dirait Denchu. Ca ne marche pas avec toi ! Qu’est-ce qu’il y a ? Se radoucit Toya.
- Pff, pas grand-chose… Juste que tu m’as rarement aidée de la sorte, répondit Deshi en baissant la tête pour ne pas avoir à croiser le regard du jeune homme.
- Alors là ! Quand je t’aidais, tu étais rarement consciente.
- Bon, je sais ce que je vais faire alors, reprit Deshi avec un sourire en coin ! Je ferai en sorte de me blesser mais de rester consciente, ou je feinterai un malaise…
- Tu n’as pas intérêt, parce que je t’en voudrai !
- Et pourquoi pas… je verrai si tu t’occupes effectivement de moi. Et je ne vois pas pourquoi tu m’en voudrais ! Répondit-elle en haussant les épaules.
- Je t’en voudrai pour m’avoir rendu inquiet. Et je n’ai pas besoin de ça.

Deshi voulut dire quelque chose, mais elle fut interrompue par l’entrée fracassante de Takeshi :

- VOUS AVEZ VU LES INFOS ?!! Hurla-t-il essoufflé, en envoyant valdinguer la porte qui sortit de ses gonds.
- Euh… non, répondit Deshi le sourcil levé.

Takeshi ne semblait pas avoir entendu la réponse de Deshi et alluma le poste de télévision où les images d’étudiants et d’ambulanciers passaient et repassaient en boucle, témoignant de ce qu’ils avaient vus.

« … De nombreux élèves ont enregistré la scène sur leur téléphone portable et les données des volontaires vont être extraites par les experts afin d’en savoir un peu plus sur l’origine de ce phénomène hors du commun. Simple accident ? Acte terroriste ? Folie d’une ou de plusieurs personnes ? Nous tenterons d’en savoir plus lorsque toutes les données seront réunies… »

La speakerine laissait place à d’autres images, d’autres témoignages : ceux des passants qui avaient aperçu une lueur étrange, ceux de la police qui avait arrêté une jeune fille présente dans l’établissement, mais dont les charges avaient été abandonnées.
A l’écoute de ces nouvelles annoncées, tout le monde était descendu pour suivre les informations, et peu de personnes remarquèrent la présence de Takeshi.
Ce n’est que lorsque la speakerine passa à un autre sujet qu’ils s’aperçurent que le jeune homme – au téléphone – était rentré.

- Oui… Oui, j’ai vu, c’est bien à notre collège que s’est arrivé… Non, je ne pense pas qu’ils vont fermer, et le lycée est assez éloigné, mais il y avait Kasumi, Satoshi et Yuko là-bas… Non, à mon avis ils vont bien, de toutes façons, il n’y a eu aucun blessé… Oui, je reste là, je te rappelle quand j’aurai plus de nouvelles ! A tout à l’heure Michiru !

Au moment où il raccrocha, Denchu explosa de colère :

- NON, MAIS CA VA PAS ?!!! POURQUOI PAS LEUR DIRE QUI NOUS SOMMES EN PLUS, CA AIDERA SON PERE !!

Face à la réaction excessive de Denchu, Takeshi resta interloqué. Il remit son portable dans sa poche et fit face au groupe qui le regardait comme s’il s’agissait d’un étranger. Yumi et Kotori étaient eux aussi descendus, mais ils semblaient pétrifiés par la soudaine colère de Denchu.

- Tu étais où ? Demanda Haneru, d’un ton qui se voulait chaleureux pour que Takeshi ne se sente pas plus mal.
- Je… euh… dînais chez Michiru quand j’ai entendu ce qu’il se passait et…
- ET TU NE NOUS PREVIENS MEME PAS ?!
- C’est bon, je suis grand, Denchu, je n’ai pas à demander ta permission, répliqua Takeshi.
- Ooooh, oui, tu es grand. Je te rappelle qu’on a tous des responsabilités ici, siffla Denchu.
- Tu as besoin de moi pour te faire à manger ?! Commençait-il à s’énerver.
- OUTRE LE FAIT DE SE SUSTENTER !! Reprit Denchu de plus belle, sans se soucier du hochement de tête que faisait Deshi au mot « sustenter ». KASUMI ET SATOSHI ONT… ETE IMPLIQUES DANS L’HISTOIRE, ILS AURAIENT PU AVOIR BESOIN DE NOUS ET TOI TU ETAIS JUSTE PARTI T’AMUSER !!
- Bon, que les choses soient clairs, il n’y a eu aucun évènement ces derniers temps qui justifiaient que l’on soit en état d’alerte, ET, continua-t-il en haussant le ton en voyant que Denchu voulait répliquer, J’AI PREVENU DESHI DU FAIT QUE JE N’ETAIS PAS LA CE SOIR !! J’AI LE DROIT DE VIVRE MOI AUSSI, MERDE !!

Takeshi se retira dans sa chambre sans se soucier de Denchu. Deshi jeta un œil sur son portable qui était resté en mode silencieux, et remarqua en effet le texto que le jeune homme avait envoyé trois heures auparavant.
L’ambiance était tendue de toute part et il fallait encore se faire à manger et partager le repas à table, sans Takeshi, avant de pouvoir se coucher et partir loin des rancœurs, loin des ennuis qu’octobre apportait avec sa bruine fine.


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