Fanfiction
- Hors série « Contes de Sélénia » |
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14- La Coalition
Oniwa, Koori et Matai traversaient la jungle d’Hebi en direction de la vallée d’Ookami.
Oniwa n’avait même pas été surpris d’entendre la véritable identité d’Irok et sa confiance envers le monarque de Shachi n’en fut pas altérée, car les petits secrets importaient peu face à l’ennemi commun.
Leur stratégie n’était pas sans risque, mais c’était la seule qu’ils purent développer en un temps de réflexion si court.- Bien, nous voici à la frontière. Est-ce le bon endroit ? Demanda Koori à Oniwa.
- Oui, je le reconnais.
- Comme convenu, tu nous y attendras.
- Bien sûr.
- Nous ne serons pas long, le rassura Matai. Koori te retrouvera en premier, et je suivrai sous peu, si tout se passe bien.
- Quand penseras-tu sortir du palais ? S’enquit Oniwa.
- Attendez-nous trois jours et deux nuits. Si vous ne nous voyez pas arriver d’ici-là, c’est que j’aurais échoué et que je serais au service de Kurao.Oniwa descendit de la monture harassée par le poids du souverain, et commença à monter le campement qui leur servirait pour la nuit.
Koori revêtit son masque caractéristique et salua brièvement son frère, puis, les souverains de Shachi partirent sans attendre en direction du palais de l’impératrice.Ils chevauchèrent des heures durant, et non loin du château, ils s’accordèrent un dernier regard.
- Reviens-moi vite.
- T’ai-je jamais déçu ?Il la regarda chevaucher vers les flancs du château, là où la garde ne pouvait la voir, sinon la sentir, puis disparaître dans les douves.
Il attendit quelques minutes puis se dirigea sans précipitation aux portes du palais.
Les créatures ne lui barrèrent pas la route et Kurao l’accueillit sans suspicions, sinon bonne humeur.- Mon cher Koori ! Cela me fait plaisir de te voir alors que de sombres rumeurs circulent à ton sujet.
- Une fée m’a échappé. Cela fait quelques jours que je la traque.
- Pourquoi cette fée t’intéresse-t-elle ? S’étonna l’impératrice.
- D’une part parce qu’il s’agit d’une fée de l’eau. D’autre part parce que c’est elle qui a provoqué le coup d’état de Shachi et qu’elle m’a dérobé les cartes sur lesquelles se trouvent toutes mes défenses.
- Et tu crains pour la sûreté de ton royaume.
- Effectivement, si elle travaille pour l’un de mes frères… Je pencherai pour Raijin ou Oniwa vu la direction qu’elle suit.
- J’enverrai une patrouille à sa recherche. Je ne serai pas étonnée qu’il s’agisse d’Oniwa car celui-ci m’a récemment déçue. Où as-tu vu sa trace dernièrement ?
- Ici, à Ookami.
- Cela m’explique donc pourquoi les créatures étaient fébriles… Ne t’en fait plus pour ça. Elle n’a aucun allié dans cette plaine et ma garde est rapide. Elle n’a aucune chance de s’en sortir. Tu peux retourner en ton pays avec l’esprit tranquille.Koori salua Kurao avec respect et se redressa, attendant l’ordre de pouvoir se retirer.
L’impératrice fit venir une petite fille qu’elle présenta au monarque. Bien qu’étant très jeune, celle-ci indisposait Koori par son regard.- Kaho te raccompagnera aux portes du palais après que tu te sois quelque peu restauré.
~*~
Matai n’avait pas mis longtemps à trouver une issue qui débouchait à l’intérieur du château. Le tunnel qu’elle avait suivi était étroit et long, mais l’étroitesse ne lui faisait pas peur lorsqu’elle se trouvait dans l’eau.
Elle déboucha dans une salle circulaire où le puit était creusé à même le sol. Alors qu’elle en sortait, un garde s’avançait dans cette même salle.
Matai se précipita derrière une colonne et fut obligée d’assister au spectacle de l’homme se soulageant dans les latrines d’où elle venait de sortir. Passage obligé… Pensa-t-elle pour chasser son dégoût. De ses doigts agiles, elle manipula l’eau qui vint former une bulle autour de la tête du pauvre garde, et quelques minutes après s’être débattu contre son infortune, il sombra dans l’inconscience.- Désolée de t’avoir gâché un si agréable moment, lui chuchota-t-elle en le débarrassant de son armure.
Matai revêtit l’uniforme du garde par-dessus ses habits de chevauchée et noua ses cheveux en un chignon qu’elle finit de dissimuler sous le casque, puis, après avoir attaché et caché le garde derrière les piliers, elle se saisit de la lance et s’enfonça dans le château en prenant garde de ne pas coller de trop près ses congénères.Par résonance, la jeune femme entendit l’annonce de Koori et accéléra le pas. Elle était désormais activement recherchée, et les sens aigus des créatures de Kurao ne tarderaient pas à les amener ici.
Après quelques vaines tentatives où elle découvrit l’accès aux cuisines et ceux de la cour intérieure, Matai trouva l’entrée des cachots où étaient enfermés bien des misérables. Bien que la tentation ne fut présente, elle n’avait malheureusement pas le temps ni les moyens de les délivrer tous car elle se devait d’agir discrètement.
Les clés se trouvaient sur un clou à côté de la porte principale et elle n’eut pas à subir l’inquisition d’un garde car ceux-ci semblaient avoir été appelés auprès de Kurao.
Elle sentit son rythme cardiaque s’accélérer lorsqu’elle découvrit la cellule de Deriba et s’empressa de la sortir de sa prison en priant intérieurement pour que les autres prisonniers ne fissent pas de raffut.
D’abord étonnée, Deriba ne prononça aucun mot et agit comme de coutume si ce n’est qu’un sourire illumina bientôt ses traits.~*~
La journée commençait à tomber et ni Koori ni Oniwa ne s’étaient éloignés. Ils avaient fini de monter le camp et évitèrent d’allumer un feu pour ne pas se faire surprendre mais l’angoisse, plus que le froid, commençait à les ronger.
L’écho de la vallée leur renvoya les fers d’un cheval en pleine course sur un sentier et ils se dressèrent aussitôt. L’ombre galopait à fière allure mais au port de tête du cheval, le cavalier semblait forcer sur sa monture.
Soudain l’allure fut réduite et le cheval trotta latéralement. Oniwa lança une petite pierre sur la jambe de la cavalière qu’il avait reconnue et celle-ci tira sur les rênes pour faire volte-face en direction de la source du projectile.- Deriba, tu vas…
- Ils ne m’ont pas suivi mais Matai est restée là-bas, elle s’est fait prendre, débita à toute allure la jeune femme sans laisser le temps à Oniwa de l’accueillir.La peine se dessina sur le visage de Koori et ferma court à toute bienséance.
- Comment est-ce arrivé ? Murmura Oniwa.
- Elle m’a sortie de nos cellules et lorsque nous nous sommes dirigées vers l’une des fenêtres basses, un garde nous a surprises. J’ai réussi à en repousser quelques uns mais ils ont fait intervenir les créatures qui se sont jetées sur nous. Matai m’a ordonné de la quitter et de continuer vers le passage que nous avions empruntés pour nous rendre à Shachi. Elle m’a dit… elle m’a dit de ne pas s’en faire… Qu’elle nous rejoindrait.
- Demain soir… Si elle n’est pas revenue, nous devrons partir, réussit à dire Koori.
- Agirais-tu en prévaricateur ? Si elle n’est pas revenue demain soir, nous irons la chercher, rugit Oniwa.
- Non ! Rétorqua Koori. Cela nous mettrait tous en danger, toi, Deriba, moi et nos peuples respectifs. Kurao ne doit pas connaître nos alliances. Matai a été très claire à ce sujet.
- Ne t’en fais-tu pas pour elle ? De la manière dont elle va être traitée ?! S’indigna le roi de Kuma. Tu pourrais prétendre que tu veux la châtier en ton pays si tu souhaites une excuse auprès de Kurao.Koori ne daigna pas répondre à Oniwa. Sa réponse aurait été trop virulente.
Sa conscience était entachée par le regret d’avoir accepté de prêter son aide, ce qui avait eu pour conséquence la capture de Matai, mais il avait confiance en sa compagne, en sa force… Malgré cela, il ne trouva pas sommeil.Le deuxième jour, Matai ne réapparut pas.
~*~
L’automne commençait à céder sa place et la chaleur du désert était beaucoup moins accablante.
Les dames du harem s’étaient faites remercier à cette période et elles quittaient le palais avec des vêtements, de l’or et une monture. Toraku se plaisait à dire qu’une seule femme venait de ruiner son palais, mais Hien avait été intransigeante sur ce sujet. Et bientôt, elle aussi devrait partir… partir pour retrouver Chonchi avec la couronne du roi de Biakko. Elle ne l’avait pas encore dit à Toraku et lorsqu’elle tentait de lui parler sérieusement, ses arguments se retrouvaient vite balayés par l’étreinte ardente du jeune homme.C’est par un doux matin qu’un couple de voyageur vint faire disparaître toute culpabilité. Ils demandèrent à parler au roi Toraku sur un sujet d’une extrême importance.
Après avoir pris ses précautions, Toraku les reçut et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il reconnut le jeune homme :- Kinzoku !!
- Bonjour mon frère…
- Quelles mauvaises nouvelles viens-tu m’apporter… ?
- Celles d’une coalition.
- Je t’écoute…Et Kinzoku de parler de sa rencontre avec Tenshiro et le plan que celui-ci avait mis en marche. Malheureusement, il fut coupé au milieu de son discours.
- Serait-ce la chaleur du désert qui te fait perdre la tête ?! Tenshiro a repris sa place auprès de Kurao !
- Impossible… Murmura Kinzoku.
- Je te conseille de te reposer ici quelques jours avec ta compagne, avant de repartir pour ton duchée, Kinzoku.
- Mais… et la jeune femme qui l’accompagnait, cette… Himeguma ? Qu’est-elle devenue ?!
- Je n’ai pas connaissance de ce nom.
- Alors il doit s’agir d’une autre stratégie ! Ecoute, Tenshiro prônait le soulèvement des gardiens contre Kurao, afin d’éviter des guerres intestines qu’elle ne fait que soulever.
- Comme je te l’ai dit…
- Attendez !! Intervint Hien. Si Tenshiro avait un tel plan, il faut en informer les réseaux de fées…
- Le mien est déjà sur le pied de guerre, précisa la femme qui accompagnait Kinzoku en abaissant son capuchon afin de dévoiler une chevelure d’argent.
- Vous êtes une fée de l’acier, souffla Hien, subjuguée par l’éclat de sa chevelure.
- C’est exact. Je fais partie de l’un des réseaux qui s’oppose à la gouvernance de Kurao.
- Connaissez-vous la citadelle ?
- Bien entendu, mais nous ne sommes pas aussi bien organisées et nous ne connaissons pas son emplacement exact. Nous nous sommes déployées partout afin de répandre discrètement cette nouvelle aux clans de notre connaissance.
- Alors nous devons informer Anshin… Elle saura comment nous organiser. Mais avant, je dois retrouver Chonchi.
- Malheureusement… je ne suis pas en état de trop voyager… Je dois limiter mes déplacements si je veux que ma grossesse se passe sans encombres.
- Oh… ! Je vous adresse tous mes vœux de bonheur et je vous souhaite que cet enfant vienne au monde dans un environnement serein, la congratula Hien.Toraku invita Kinzoku et Hagane à se reposer dans son palais et à y rester durant la grossesse d’Hagane. Le soir, lorsqu’il rejoignit la couche, il trouva Hien en pleine agitation.
- Que fais-tu ?
- Ce dont j’essayais de te parler ces derniers jours : je me prépare à partir rejoindre Chonchi afin d’honorer notre promesse. Et je crains que mon retour ne soit repoussé étant donné les tensions au dehors.
- Je comprends… et je soutiens l’initiative. Je parlerai demain à Kinzoku et nous irons trouver nos frères des contrées voisines.Hien eut un sourire en coin en regardant Toraku. Celui-ci avait bel et bien changé et laissé de côté la fougue de la jeunesse pour laisser la place à la responsabilité.
Elle arrêta ses occupations et vint se blottir dans les bras de l’homme qu’elle ne verrait pas de sitôt. Les préparatifs de son voyage pouvaient attendre le lendemain.~*~
Et c’est ainsi qu’Hien et Chonchi se retrouvèrent sur le sommet. Elles furent toutes deux étonnamment surprises d’entendre le revirement de situation de leurs missions, et cela leur redonna courage pour mener à bien leurs nouvelles responsabilités.
Nous ne nous attarderons pas sur le parcours des jeunes femmes. Celles-ci firent partir un messager qu’elles dépêchèrent auprès de Raijin afin de l’informer de leur périple et partirent retrouver Hana dans le village où elles l’avaient laissée, mais ne la trouvant pas, elles remontèrent jusqu’à Anshin...
Elles furent d’abord prises de stupeur lorsqu’elles accédèrent au calme de l’ancien camp et ne furent pas à bout de leur surprise lorsqu’elles pénétrèrent dans le fort de la citadelle.
- Hien, Chonchi, soyez les bienvenues. Je vois que nous sommes au complet, nous pouvons donc commencer.
Anshin était entourée de trois hommes qu’elles ne connaissaient que trop bien : Shisaku, Oniwa et Dokusou. Trois monarques, trois anciens gardiens. Et, se faisant un chemin pour passer au travers des imposants hommes, une silhouette gracile leur apparut, tenant à la main une jeune enfant.
- Mes amies !
- Hana ! Crièrent à l’unisson Hien et Chonchi avant d’étreindre la jeune femme.
- Oh Hana, nous avons appris par les villageois, commença Chonchi.
- Ce n’est rien, c’est de l’histoire ancienne. Me voici à nouveau en pleine possession de mes moyens, et prête à mener cette guerre !
- Serait-ce… S’enquit Hien en montrant du doigt la petite fille.
- Oui, c’est bien l’enfant de notre village. Elle est guérie, et c’est une enfant prodige… je dirai même un oracle, chuchota-t-elle.
- Et nous parlions justement d’une de ses prophéties, intervint Anshin. Mesdemoiselles, si vous voulez bien vous joindre à nous, nous nous ferons un plaisir de vous conter ce qu’il vous tarde d’entendre.
- S’agit-il de la coalition mise en place par Tenshiro ? S’enquit Hien sans aucune prudence.
- C’est exact. Ceux-ci m’ont informée de leur plan après avoir convaincu Oniwa, ici présent.
- Malheureusement, au milieu de leur quête, Tenshiro et Himeguma se sont faits capturer… par ma faute… Déplora Oniwa.
- Tu ne pouvais pas faire autrement, le rassura Deriba.
- Ils ont pu rallier plusieurs monarques à leur cause : la roche, l’acier et l’eau, reprit Anshin.
- Egalement le feu et l’air, compléta Chonchi. Hagane et Kinzoku ont pu informer Toraku et Hien de l’imminence de la guerre mais ils ne savaient pas que Tenshiro avait échoué…
- Ils n’ont pas échoué, ils ont été pris. Les opposants du royaume n’ont jamais été aussi menaçants qu’aujourd’hui. Le gardien de l’esprit s’est allié à moi, tout comme celui de la nature s’est rallié à Hana.
- Ca, je demande à voir… Grinça Oniwa.
- Voulez-vous bien cesser ces camouflets ! Dokusou a perdu la mémoire et ne se rappelle plus de ses méfaits ! S’insurgea Hana. Tout le monde a le droit à une deuxième chance, surtout lorsqu’il est prêt à rejoindre une cause aussi noble.
- La citadelle a subi des pertes, continua Anshin, sans prêter attention à l’altercation. Elle n’est plus aussi forte qu’auparavant, mais des alliances et des amitiés solides sont nécessaires si nous souhaitons continuer. Nous devons mettre à plat l’ensemble des informations dont nous disposons si nous souhaitons établir une stratégie. Oniwa ?
- Certes… Deriba a été enfermée dans le palais de Kurao. Je pense qu’elle est plus à même de détailler ce qu’elle sait.
- Tenshiro et Himeguma ont perdu la mémoire. Ils agissent comme Kurao le leur a « ordonné » : Tenshiro est à ses côtés, en époux fidèle, et Himeguma est leur servante. Mais Tenshiro n’est pas à l’aise avec les agissements de Kurao. Il sent qu’il n’appartient pas à cet ordre. Lorsque j’étais à leur service, je lui ai fait savoir que Kurao lui mentait. Le doute a sûrement germé dans son esprit, et puis…Deriba avait des difficultés à continuer sans sentir monter la culpabilité et l’impuissance.
- Matai, une fée de l’eau, s’est faite capturer en voulant venir en aide à Deriba, continua Oniwa.
- Je connais Matai, fit Anshin. Elle est plus forte qu’elle n’en a l’air. Elle pourrait même nous être utile… Ne vous méprenez pas, se reprit Anshin lorsqu’elle vit les regards outrés que lui lançaient Oniwa et Deriba, j’ai connu Matai et la façon dont elle gère les flux énergétique et je pense que si elle réussit à approcher Himeguma ou Tenshiro, elle pourrait…
- Mais nous ne savons même pas s’il s’agit réellement d’une simple perte de mémoire ou d’un changement plus profond, fit remarquer Shisaku.
- Et je serai d’avis de ne pas parler de maniement de mémoire, fit Oniwa en jetant un regard torve à Dokusou.
- Je… Même si cela vous semble futile, j’aimerai juste savoir comment vous en êtes tous venus à vous retrouver ici, observa Hien.
- Après que Matai fut enfermée, Koori m’a conseillé d’informer Anshin de la situation, répondit Oniwa.
- Anshin m’a secouru et a détruit le mal qui me rongeait, fit Shisaku.
- Quant à nous, intervint Hana, c’est Hitomi qui nous a conduits ici. Et je pense qu’il est temps que je partage ce que je sais. Hitomi est une enfant qui partage manifestement sa vie avec l’enfant que Kurao a en sa possession. Elle m’a récemment fait savoir qu’une humaine, aux cheveux aussi blancs que les fées de la roche, portera le destin de Sélénia sur ses épaules.
- Si Kurao consulte en profondeur la personne avec qui j’ai ce lien, il se peut que nous ne disposions que de très peu de temps, ajouta Hitomi. Mais comme je l’ai déjà dit, votre enfant vous signalera le moment opportun, fit-elle en plongeant ses yeux mystiques et étrangement volontaires dans ceux d’Anshin.
- Anshin, si je comprends bien, nous devrons monter une armée pour faire le siège du palais ? Résuma Hien.
- Faire un siège ne suffira pas. Il faut bloquer la magie de Kurao, répondit Anshin.
- Nous avons l’avantage de pouvoir avertir l’ensemble des clans grâce à la téléportation et de…
- Non Hana… Je… je ne peux plus me téléporter tant que je porte mon enfant. Il en va de sa santé, et il est apparemment celui qui donnera le signal.L’assemblée resta un instant coite. Seule Hien, qui avait un sourire de malice, osa rompre le silence
- C’est merveilleux ! La nouvelle génération est notre plus bel espoir. Hagane, une fée de l’acier, porte également l’enfant de Kinzoku. Pensez à la magie qui pourra émaner de…
- Mais onze mois n’est pas suffisant, sans compter l’immobilisation d’Anshin due au sevrage ! L’interrompit brusquement Oniwa. Si Anshin ne peut se téléporter, le temps de concevoir notre stratégie, d’avertir tous les clans et de former tout aussi discrètement une armée suffisamment puissante pour vaincre les créatures d’Oniwa, tout cela pourrait nous prendre…
- Du calme, Oniwa ! Le tempéra Chonchi. Nous ne savons même pas quelle sera l’annonce. Il est possible que l’enfant nous signale l’action qu’au bout de trois ans.
- Non, il a raison… La mise en place de notre stratégie demande un travail de longue haleine et je ne peux me permettre de vous faire patienter tout ce temps. Un mois a déjà passé depuis que je porte mon bébé. Je ne peux me téléporter, en revanche, je peux ralentir son développement en opérant sur les effets du temps de ma personne. Je m’impliquerai activement et tant que nous n’avons pas mis en place tout ce que nous souhaitons, je ne rétablirai pas le…
- Mais cela peut être dangereux pour l’enfant ! S’exclama Shisaku.
- Non… puisque l’enfant fait partie de mon organisme. En revanche, la téléportation peut affecter les capacités mentales du bébé. Sur ce, je vous propose que nous nous y attelions dès à présent !~*~
Matai était à l’écart dans une cellule sèche de la tour où elle n’avait pour nourriture qu’un quignon de pain et un linge humide.
La lourde chaîne qui entourait sa cheville ne l’incommodait plus. Elle passait ses journées à écouter les murmures du palais et à compter les jours. Cela faisait maintenant quatre cycles lunaires qu’elle était emprisonnée et elle se demandait encore pourquoi Kurao la maintenait en vie.Quant aux expériences qu’ils pratiquaient sur elle, on ne pouvait pas appeler cela de la torture : quelques gouttes de sang, quelques cheveux...
Elle avait bien entendu réfléchi au moyen de s’enfuir, malheureusement le peu d’eau dont elle disposait lui était insuffisant pour provoquer la noyade de qui que ce soit. Alors elle prenait son mal en patience, avec une confiance indéfectible en de pareilles circonstances. Car elle savait qu’elle ne luttait plus seule.Une nuit, un incendie survint dans les cachots des esclaves. A ce qu’elle pouvait en comprendre, aucune perte n’était à déplorer, mais les cachots étaient inutilisables et il fallait loger ailleurs l’ensemble du personnel.
C’est ainsi que Matai eut à partager sa cellule avec la suivante la plus fidèle de Kurao, une jeune femme aux cheveux blancs sans aucune autre volonté que celle de satisfaire à tous les désirs de l’impératrice.~*~
Les pas de l’impératrice résonnaient dans la grande salle froide et obscure. La petite créature qui gisait sur la pierre centrale prenait vie et commençait à se lever, mais Kurao la détruisit d’un geste rageur.
- Les fées subsistent encore et toujours. Tant que leur secret ne vous sera pas dévoilé, vous ne pourrez accéder à votre souhait.
- Sages paroles que je n’ignore pas, Kaho. Cependant leurs secrets appartiennent aux gardiens qui sont sous ma volonté.
- Mais les gardiens ne vous appartiennent pas. Ils n’ont jamais partagé l’origine de leur pouvoir.
- Que me conseilles-tu, alors…
- Retirez-leur le pouvoir qui leur a été donné.
- Pas tant qu’il est incomplet. Il nous faut exterminer les fées pour que leur pleine puissance leur soit révélée. Sans l’aide des gardiens, cela me prendrait des années.
- Etes-vous sûre qu’ils vous sont encore à ce point fidèles ?Kurao s’assit, contrariée et songeuse. Elle n’avait que trop laissé ses sujets vaquer à leurs occupations, créant leurs lois, leurs règles dont elle n’avait que peu de connaissances.
Elle claqua des doigts et sa servante se pressa de répondre à son appel.- Toi ! Viens par là…
- Maîtresse.
- Suite à l’incendie je t’ai fait placer dans une cellule où vit une prisonnière particulière…
- C’est exact.
- Lie amitié avec elle. Fais en sorte qu’elle se livre à toi et te dévoile tout sur les réseaux des fées, les alliances, les lieux de résistance.
- Tels seront vos désirs, Maîtresse.
- Tu iras voir les gardes avec mon ordonnance pou qu’ils te remettent la clé qui défait sa chaîne. Il faut qu’elle ait une entière confiance en toi. Quant à nous, Kaho, il est grand temps de rappeler à nos hommes le principe de subordination, fit l’impératrice en apposant son seau à la missive qu’elle remit à Himeguma.~*~
A l’instant où elle avait pénétré la cellule, Matai sut qu’elle était… différente. La jeune femme paraissait fragile et pourtant ni la peur ni le désespoir n’étaient inscrits dans son regard. Uniquement la lassitude.
- Je m’appelle Matai. Comment te nommes-tu ?
- Je n’ai de noms que ceux que ma Maîtresse veut bien me donner.
- Et quels sont-ils ?
- « Toi », « Esclave »…
- Et… d’où viens-tu ?
- C’est à ma Maîtresse que je dois ma vie.Telles étaient les réponses de la jeune femme. Aucun sentiment ne venait envelopper ses paroles. La fée de l’eau avait bien essayé d’engager une conversation pour lui faire passer le temps et découvrir l’histoire de cette jeune femme mais elle se bornait à répondre mécaniquement. Pire encore, lorsqu’elle tentait de se rapprocher d’elle, la jeune femme la fuyait et éprouvait un certain malaise sinon un mécontentement à ses tentatives d’amitié.
Ce fut lorsque Matai se remit à vivre en solitaire comme elle l’avait été au début de son internement qu’elle remarqua un changement d’attitude.
La jeune femme sans nom commençait à s’intéresser à l’autre occupante de la cellule. D’abord timidement, en regardant discrètement Matai, puis plus ouvertement en lui proposant de partager son pain, et un jour elle s’approcha silencieusement et s’attela à défaire la chaîne qui encerclait son pied.- Je l’ai subtilisé à un garde, expliqua-t-elle alors, s’adressant pour la première fois à Matai. Alors comme ça… Tu es une fée de l’eau ?
Matai sourit. Elle était prête à rentrer dans le jeu.
- C’est exact. Je ne le cache pas.
- Ta famille… a également été capturée ?
- Je ne sais pas ce qu’il est advenu aux miens, à ceux de ma race. Mais je ne désespère pas trouver de survivants.
- Pourtant il existe encore de nombreuses fées en vie.
- Oui, les fées des autres royaumes. J’en ai croisées quelques unes. Elles se cachent elles aussi. Es-tu une fée des roches ?
- Non. D’aussi loin que je me souvienne, je suis humaine. Mais je n’ai jamais été liée à…Elle ne termina pas sa phrase, perdu dans les bribes d’un passé qu’elle n’arrivait pas à atteindre.
Une certitude émergeait dans l’esprit de Matai. La jeune femme qui lui faisait face n’avait aucune appartenance féerique. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : qu’elle était l’humaine qui accompagnait Tenshiro, la voyageuse qu’on nommait Himeguma ; et qu’elle devait agir vite si elle voulait que la situation tourne à son avantage.- Souhaites-tu… souhaites-tu que je te montre quelques uns de mes tours ?
- Oui, je le veux.Matai commença à extraire de fines goûtes d’eau du linge humidifié qui lui était apporté chaque jour et créa deux orbes qu’elle fit voleter devant le visage d’Himeguma, élargissant son regard clair mais si apathique.
- Touches-en une.
Himeguma ne se fit pas prier et perça la bulle de son doigt ce qui créa une multitude de gouttelettes qui se stabilisèrent dans l’air.
- C’est magnifique… S’extasiait Himeguma.
- C’est encore plus beau lorsque le soleil y est capturé. Tu aimerais que je te montre autre chose d’encore plus beau ?
- Oui, j’aimerai beaucoup.
- Ferme les yeux… et pense à la chose la plus agréable qui soit.Matai s’approcha doucement et plaça ses mains près du visage d’Himeguma. Avant même d’avoir touché ses tempes, elle percevait la confusion des fluides, un blocage manifeste.
Elle se concentra et força son énergie à dépasser ces barrières, malheureusement elle ne put continuer plus loin son travail car Himeguma s’était retirée avec violence.- Ah ! Que m’as-tu fait ?! S’insurgea-t-elle.
- Je te prie de bien vouloir me pardonner… Es-tu en colère ?
- Oui ! De quel droit t’es-tu permise de… de…
- La colère est une bonne chose et je ne suis pas peinée que tu m’en veuilles. Ne t’inquiète pas, je ne te veux pas de mal.
- Ecarte-toi !! Et ne m’adresse plus la parole.Himeguma recula sa couche et s’y allongea de façon à tourner le dos à Matai.
- Himeguma ?
- Je t’ai demandé de ne plus m’adresser la parole, répliqua-t-elle.Mais cela était suffisant. Matai esquissa un sourire. Elle venait de rétablir ses émotions qui risquaient d’être violentes au début, mais fort heureusement, elle avait la nuit pour se calmer.
Non, ce qui satisfit le plus Matai, c’était le fait qu’elle n’avait pas rejeté son prénom.~*~
Cela faisait plusieurs jours qu’elle était réticente à servir sa Maîtresse. Jamais auparavant encore elle n’avait ressenti cette amertume et pourtant cela lui collait à la peau et la contrariait toute la journée.
Etrangement, la douceur de Matai l’attirait mais elle ne devait pas décevoir l’impératrice. Sa Maîtresse n’était plus la source de sécurité qu’elle avait toujours connue et elle se surprenait à lui mentir pour préserver la vie de sa compagne de cellule.- Alors, qu’as-tu à me révéler aujourd’hui ?
- Il existe encore de nombreuses fées de l’eau. Elles se cachent dans les rivières de l’empire et sont très difficiles à apprivoiser.
- La fée t’a-t-elle dit comment nous pouvions les approcher ?
- Elles se méfient des hommes. Seules les femmes et les enfants trouvent grâce à leurs yeux. Tant qu’il y aura des pêcheurs aux abords des fleuves, elles n’apparaîtront pas.
- Bien, c’est une bonne piste. T’a-t-elle donné un nombre ?
- Deux clans importants, Majesté. Une vingtaine je dirai.
- Parfait, c’est encore plus simple lorsqu’elles sont ainsi groupées. Tu peux disposer et retrouver la fée dans sa cellule. Reviens-moi avec encore plus de précisions.
- Bien Majesté.Himeguma s’inclina sans laisser transparaître d’hésitation. En se redressant, elle osa jeter un œil sur l’empereur passif qui était assis à la droite de Kurao, mais malheureusement, celui-ci perçu la discrète œillade et il lui rendit un visage suspicieux.
- Comment se nomme cette servante ?
- Qu’importe son nom, pourvu qu’elle soit là lorsqu’on a besoin d’elle. Pourquoi ce soudain intérêt pour mon personnel ?
- Je la trouve étrange…
- Surveille tes paroles. C’est l’une de mes plus fidèles esclaves.
- Sans la vouer aux gémonies, je considère cette façon d’agir comme étrange… on ne sait si elle éprouve de la crainte, du respect ou de l’indifférence à ton égard.
- Tu n’as pas à te méfier d’elle. Elle a toute ma confiance.L’empereur acquiesça mais l’image de la suivante restait imprimée dans son esprit et elle devint une obsession, un doute aussi insaisissable que l’eau qui coule le long des doigts. Il fallait qu’il la voie, qu’il lui parle pour dissiper le trouble qui le faisait frémir.
Tenshiro quitta ses quartiers peu après que le soleil se fut couché et se rendit dans la tour où étaient retenues les deux personnes les plus précieuses de l’empire de Kurao. Il ne souffrit aucune résistance lorsqu’il désira qu’on vienne lui chercher la jeune femme au service de Kurao et elle se trouva face à lui, avec cette expression apathique qu’il connaissait bien.
- Je souhaiterai que nous échangions quelque peu ensemble, lui proposa-t-il.
Ces quelques phrases suffirent pour insuffler un trait d’humanité au visage de la servante aux cheveux d’ange. Celle-ci ne put réprimer une surprise mêlée d’inquiétude lorsqu’il l’invita à le suivre, mais elle reprit aussitôt contenance.
- Je ne le peux. Je rends des comptes à ma seule Maîtresse.
- Fort heureusement, il se trouve que je suis l’Empereur de Sélénia et que votre personne m’appartient également. Kurao vous voue une confiance ineffable, cependant je ne partage pas son opinion à votre égard et je souhaite constater par moi-même l’ampleur de votre dévouement.La jeune femme le salua et se vit contraindre à suivre l’époux de sa Maîtresse. Elle constatait que sa seule présence réussissait à la mettre mal à l’aise mais elle ne pouvait réfréner ce nouveau sentiment qui l’imprégnait : la curiosité. La curiosité de découvrir cette autre figure de l’empire.
A travers le dédale de pièces, il la fit s’installer dans un petit salon dont les tapisseries arboraient de vives et chaudes couleurs. Le confort allait de paire avec l’aménagement de la pièce et ce lieu servirait de point de repère pour les entretiens futurs.
La jeune femme s’assit au bord de la chaise la plus basse, mais l’empereur l’invita à prendre un siège plus confortable.
Il lui servit de l’eau et demanda à l’un des gardes de leur servir un repas chaud et de les laisser seuls.- Très chère, je dois vous avouer que vous m’intriguez.
- Je tiens à vous adresser mes excuses si un quelconque comportement vous a irrité.
- Non pas irrité… troublé, je dirai. Quel est votre nom ?
- Je n’ai de noms que ceux que ma Maîtr…
- Oubliez Kurao un instant. Je vous demande le nom qui était le vôtre avant votre service au palais.
- Je ne me rappelle plus… Répondit l’esclave, sincère.
- « Himeguma » vous est-il familier ?La jeune femme tressaillit. C’était la deuxième fois que ce nom résonnait étrangement à ses oreilles. Elle se rappelait que sa compagne de cellule l’avait une fois interpellée ainsi et cela lui avait semblé familier. Cependant, de la bouche d’une personnalité de l’empire, cela pouvait sonner comme une menace.
Tenshiro lui adressa un sourire doux, encourageant, et elle se sentit moins tendue. La force d’attraction de l’empereur l’enveloppait dans une bulle sécuritaire.- J’utiliserai ce prénom désormais, si cela ne vous dérange pas.
- Je… je vous en prie, mais pas devant ma Maîtresse…
- Bien entendu. Sachez également que nos entrevues ne devront pas lui être mentionnées. Puis-je vous faire confiance à ce sujet ?Himeguma ne répondit pas. Pouvait-elle lui faire confiance ? Celui-ci lui avait peut-être tendu un piège et si elle répondait à l’affirmative, il irait en rendre compte à l’impératrice… Elle continuait à garder le silence en fixant la table en bois massive sur laquelle était posés une aiguière en argent et deux gobelets.
- Laissez-moi vous conter un fait étrange qu’une de mes servantes m’a fait part. Et je suis sûr que vous aurez un avis différent sur votre environnement.
L’on toqua à la porte. L’empereur fit entrer le garde afin qu’il dépose les plats puis le remercia et servit Himeguma qui le regardait non sans curiosité.
- Je n’accepte aucunement le comportement ou les décisions de l’impératrice, mais j’ai fait le choix de vivre à ses côtés, et je me dois de lui apporter mon soutien. L’une de mes servantes a remarqué l’agitation dans laquelle j’étais plongé ces derniers mois, et, avant sa fuite, elle m’a révélé une surprenante confidence.
- Portez-vous du crédit à une suivante qui vous trahi ?
- Je ne considère pas sa fuite comme une trahison, mais comme la recherche de sa liberté. Or il se trouve que chacune de mes interrogations trouvait leurs réponses dans ses assertions : selon elle, je ne suis aux côtés de l’Impératrice que depuis très récemment, car jusqu’alors je menais une vie de fugitif, à la recherche d’alliés pour combattre Kurao… Et je n’étais pas seul. Une femme aux cheveux blancs, portant le prénom d’Himeguma, m’accompagnait.
- Vous faites erreur ! Ce n’était pas moi, je ne sais même pas quel est mon nom !! Répliqua la jeune femme.
- Mais ce prénom vous est familier… Et d’aussi loin que vous pouvez remonter, il vous est très difficile de dater votre entrée au service de Kurao.
- Cela ne veut rien dire. Rien de ce que vous évoquez ne m’est familier.
- Il est cependant un fait, reprit Tenshiro sans porter attention aux contestations d’Himeguma. Kurao est la destruction. Et je suppose très fortement qu’en plus de la matière physique qu’elle peut détruire, elle a également la faculté de détruire les esprits… la mémoire.
- Je… je ne comprends pas…
- … Elle ne peut créer et me veut à ses côtés pour qu’elle puisse assurer sa descendance d’êtres purs, qui réguleront ce monde contrôlé par les fées. Elle veut mon pouvoir… Réfléchissait à haute voix Tenshiro.
- Je vous en prie, cessez ces raisonnements cruels !L’empereur sembla se rappeler de la présence de son interlocutrice qui paraissait effrayée par ses assertions.
- Ne vous inquiétez pas, je ne vous tends aucun piège. Je souhaiterai juste que vous réfléchissiez à mes paroles, et tentiez de vous souvenir de votre passé. Je vous laisse manger désormais et vous ramènerai à votre cellule. Et si vous ne voyez pas d’inconvénients, je souhaiterai que nous nous retrouvions quelques soirs pour que nous discutions de vos progrès.
~*~
Elle n’avait rien pu avaler et n’avait dit aucun mot lorsqu’elle fut raccompagnée à sa cellule. Alors que la porte se refermait lourdement derrière elle, elle n’avançait pas et restait debout, angoissée, respirant avec difficultés. Matai accourut à ses côtés et après l’avoir rapidement inspectée à la recherche de blessures apparentes, elle ne trouva rien qui puisse justifier son état d’affolement.
Elle passa un bras réconfortant autour des épaules de la jeune femme et l’invita à s’asseoir, évitant tout mouvement brusque.- Voilà… Ne t’inquiète pas, tout ira bien, il ne t’arrivera ri…
- Matai, je crois que… je crois que mon esprit a été bafoué. Je t’en prie, aide-moi !
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