Fanfiction
- Hors série « Contes de Sélénia » |
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13- Confrontations
Ce fut d’abord une caresse, puis, très vite, une brûlure. Le soleil n’accordait à l’aube qu’une brève tendresse.
Cependant, Hien n’en tint pas compte. Elle se leva avec lenteur, répertoria son matériel, le niveau de son eau et entreprit le chemin qui la menait petit à petit au palais de Toraku.
Ne souffrant pas de la chaleur, elle aimait marcher dans le désert brûlant, , et goûtant au silence que ne troublaient pas la présence et les acclamations des badauds.A chacun de ses pas, ses pensées allaient à ses amies avec qui elle avait partagé une vie de troubadour. Chonchi et Hien avaient laissé Hana à leur dernier village, dans les bras du comte Saru avec qui elle avait dû se marier. Quant à Chonchi, elles s’étaient promis de revenir à leur point de séparation avec les couronnes des monarques quand l’hiver s’installerait sur les plaines d’Ookami.
Hien revint au moment présent lorsqu’au loin se dessinait un douar, signe qu’une oasis ne devait pas être bien loin.
Elle accéléra le pas et ajusta son keffieh afin que les bédouins perçoivent l’expression de son visage et sa venue pacifique.- Que la soirée vous soit douce et apporte de l’eau en abondance, les salua Hien.
- Que l’eau t’accompagne au cours de ton voyage, ma fille. Viens avec nous partager notre repas.Hien s’assit en tailleur et défit son chargement. Elle proposa quelques bijoux aux femmes pour les remercier de leur accueil, puis elle rompit le pain de semoule qu’on lui fit passer et le mangea avec appétit.
- Quelle est ta destination, étrangère ?
- Je souhaite me rendre au plus vite au palais de Toraku.
- Ah ! Alors tu es sur la bonne route, et tu voyageras sans encombres. Les femmes rousses sont considérées comme sacrées dans la région.
- Sacrées… ?
- Si le roi Toraku t’a appelée à lui, ce n’est pas pour se satisfaire d’un quelconque don que tu aurais, mais bien pour ta chevelure de feu.
- Je… je l’ignorais…
- Ne t’en fais pas, sa collection est déjà grande, et tu auras le loisir de disposer des services du palais avant qu’il ne te remarque.Hien sourit poliment. Elle accueillit avec entrain cette nouvelle qui allait lui permettre de pénétrer le palais sans avoir à fournir d’explications périlleuses.
La facilité de sa tâche l’emmena à tourner ses pensées vers son amie du vent et où elle en était de ses obligations.~*~
Après avoir regagné les hauteurs nuageuses de son territoire, Chonchi avait laissé les émotions l’emporter.
Cinq ans déjà qu’elle avait quitté la contrée qui l’avait recueillie lorsque son pays avait péri lors du grand éboulement.
Malgré l’éloignement, rien n’avait changé. Chonchi reconnaissait chaque rue et chaque habitant. Les enfants avaient grandi et ne lui prêtaient pas attention comme autrefois lorsqu’ils s’arrêtaient sur son passage.La jeune femme n’avait pas hésité. Après avoir traversé deux rues pavées, elle s’introduisit dans une discrète petite chaumière sans que ses habitants, éclairés par une faible chandelle, ne la remarque :
- Nous sommes à court d’idées ! Aucun de nos stratagèmes ne fonctionne, s’emportait un vieil homme rachitique dont la flaccidité envahissait les joues.
- Tu fais bien de te plaindre, Nobuo, si tu mettais de la bonne volonté, nous n’en serions pas là, et Neil serait toujours au palais… Lui répondit âprement une jeune fille.
- Daestia, si tu souhaites réussir dans l’objectif que nous nous étions fixés, il va falloir assurer tes arrières ! Intervint une inconnue.La discussion fut aussitôt interrompue et les regards convergèrent vers l’entrée où se tenait une femme dont le visage était recouvert d’un capuchon.
Mais Daestia n’eut pas besoin d’attendre qu’elle le rabatte pour reconnaître son ancienne préceptrice, Chonchi.
Elle courut l’étreindre et sans autre préambule, elle exprima son profond soulagement.- Oh Chonchi, vous revoilà enfin ! Pendant des mois j’étais morte d’inquiétude à votre sujet et votre folle entreprise !
- Ne me porte pas si haut dans ton estime, Daestia. Mon projet n’était qu’une excuse pour fuir mes obligations en ce pays. Mais me voilà revenue, et je compte bien réparer cette défaillance.
- Vous voulez dire que vous avez une solution pour détrôner Raijin ?
- Il suffit ! S’écria Nobuo. Ce ne sont que balivernes, apprenez à vivre avec le gouvernement actuel, il n’est pas si terrible puisqu’il n’y a pas d’indigents et que tout le monde a à manger !
- La terreur n’a jamais nourri personne, rétorqua Chonchi. Daestia, pour te répondre, j’ai compris que les fées portaient en elle le pouvoir de renverser leur gardien. Je t’expliquerai le plan que j’ai échafaudé, mais avant tout, il me faut regagner ma place au sein du gouvernement pour pouvoir approcher le monarque au plus près. Daestia, tu crois pouvoir…
- Bien entendu, rien de plus simple ! Accompagnez-moi demain au palais et je vous présenterai en tant qu’ancien ministre des relations étrangères.~*~
- Je suis là sous l’ordre du juge Mezclan.
Les deux gardes eurent un rictus entendeur mais ils s’écartèrent pour laisser entrer la guérisseuse.
Hana pénétra sans crainte dans la cellule sombre où reposait le jeune homme dont elle avait précipité la perte.
Quelques jours auparavant, une bagarre avait éclaté au village à cause de la différence qu’affichait Dokusou. Si les villageois avaient su qu’ils s’adressaient à un gardien, jamais ils n’auraient affiché leur hostilité de la sorte… Pensait Hana en passant la main au dessus de la tête de Dokusou. Celui-ci avait une vilaine blessure à l’épaule qui s’était infectée et s’étendait jusqu’à la naissance de son cou en une tumeur noire. Elle osait à peine regarder le reste de ses balafres…Les vêtements que Dokusou avait recouverts avaient été arrachés pour le provoquer. Malheureusement, l’homme qui avait commis cet acte tomba mort foudroyé la seconde où il avait touché l’étranger.
La flamme de la haine n’avait fait que commencer.
D’autres hommes s’en prirent à Dokusou, tombant les uns après les autres avant que l’un des jeunes du village ne lui jette un drap et le roue de coups.
Emportée par la foule, Hana n’avait pu porter secours à Dokusou et ses injonctions ne furent entendues.
Le chef du village avait fait intervenir la police pour arrêter le sorcier et le mettre au fer.La rapidité des évènements n’avait pu laisser à Dokusou le temps de se défendre et de plaider sa cause. Connaissant à peine son nom, les jurés le condamnèrent à huis clos pour mauvaise volonté et usage de la sorcellerie à cent coups de fouet et écartèlement sur la place publique.
Affaibli par les coups répétés, c’est le poison instillé dans les veines du jeune homme qui le tuait peu à peu et rigidifiait son corps.
Hana déboucha le flacon qu’elle avait caché dans le pan de sa robe et préleva un peu du sang du demi-dieu déchu qu’elle mélangea à sa potion. Puis tout aussi discrètement, elle fit s’écouler le liquide sur les lèvres du prisonnier qui fut pris de convulsions avant de retomber lourdement sur sa couche, les yeux exorbités.- Pardon…
Hana héla les gardes et leur fit savoir son verdict :
- Je n’ai hélas pu le soigner pour la deuxième partie de sa sentence… Dokusou est mort des suites de ses blessures…
- Ca fera une ordure de moins à s’occuper, en conclut l’un des gardes. Surtout que celui-là avait la peau dure ! Sur les cents coups de fouets, il n’a que quelques balafres…
- Quant à son corps…
- Nous le brûlerons dans l’heure.
- A vrai dire, je préfèrerai en disposer dans mon atelier pour tenter de percer le secret de son poison.
- C’était un sorcier ! L’avertit le garde, l’air effaré. Gardez-vous bien de profaner sa dépouille.
- Hélas, je n’ai que trop de connaissances pour croire uniquement en la sorcellerie, rétorqua Hana. Je souhaiterai l’examiner et si je ne trouve rien, je brûlerai moi-même son cadavre.
- Il faudrait… Il faudrait demander l’autorisation de Mezclan.
- Parce que vous croyez que je le fais de gaîté de cœur ? Les coupa Hana. Eh bien soit, allez demander vos autorisations, en attendant, le principe actif qui est dans le sang de cet homme ne va cesser de s’amoindrir.
- Très bien, très bien… On va vous aider, et faites bien attention de ne pas le toucher !Hana fit un vif mouvement de tête pour les remercier mais aussi montrer son agacement. Les gardes examinèrent les signes de la mort sur le corps et le recouvrirent d’un drap afin de le transporter jusqu’au centre de soin où tout le matériel d’examination se trouvait.
Hitomi attendait la jeune femme et elle ne fut pas le moins du monde surprise de la voir arriver avec les deux hommes et le corps.- Ce n’est pas un spectacle pour toi, petite. Tu ferais mieux d’aller jouer, lui conseilla l’un des hommes.
Hitomi lui rendit son plus beau sourire et s’en fut dans le champ aider à la cueillette du soir.
Hana congédia les gardes non sans les avoir remercié et se rendit à la salle où Dokusou avait été déposé. Sans soulever le drap, elle passa la paume de la main sur sa poitrine où son cœur ne battait plus.
Puis elle découvrit le corps et s’appliqua à embaumer les plaies d’un cataplasme de sa création en veillant à je jamais entrer en contact direct avec la peau du jeune homme.
Elle s’attarda auprès de son visage. Bien qu’abîmé, celui-ci gardait les traits purs et nobles des gardiens. Quant à ses yeux, bien qu’ils fussent clos, elle se rappelait de leur éclat vif et autrefois sournois qui l’avait tant effrayée.
Un bruit à l’arrière la fit sursauter et elle se retourna vivement, plaquant ses mains contre la table afin de cacher au visiteur sa manœuvre.- Oh, Hana, ce n’est que toi !
- Sœur Lehane ! Vous m’avez surprise, reprit Hana en posant une main sur son cœur.
- Et toi donc, je venais vérifier qui disposait de l’atelier à une heure si tardive…
- Quelques ajustements, rien de bien méchant. Vous permettez que je me remette à ma tâche ?
- Bien entendu, fais, fais, mon enfant ! Je te laisse tranquille.Hana souffla de soulagement et s’en retourna à Dokusou. Elle devait à tout prix rester discrète sur ce qu’elle faisait.
Elle remarqua alors que sa main gauche n’était non pas posée sur la lame du couteau comme elle le croyait par la fraîcheur qu’elle avait ressentie, mais sur l’avant bras du jeune homme.
Elle retira subitement sa main, mais étrangement, elle n’avait ressenti aucune douleur, aucune brûlure… Elle regarda sa paume, immaculée, à la recherche d’un point empoisonné, mais elle ne le trouva guère, puis elle reporta son regard sur l’avant bras de Dokusou où elle voyait nettement l’empreinte qu’avait laissée sa main : la peau de Dokusou était claire et contrastait avec les veines violacées et gonflées qui l’entourait.La jeune femme se risqua à toucher de nouveau une partie du corps de Dokusou et le résultat fut le même : aucune marque liée à l’empoisonnement ne lui fut transmise, et les blessures qui couraient tout le long de son corps guérissaient d’elle-même.
Elle retira alors tous les cataplasmes et posa les mains sur chacune de ses blessures, aidant les chairs à se ressouder sans laisser de cicatrices. Puis elle se concentra sur son cœur qui battait si faiblement qu’on ne pouvait le croire encore en vie.
Les pulsations cardiaques de Dokusou prirent une plus vive allure, jusqu’à s’emballer et retrouver un rythme soutenu. Il ouvrit les yeux, comme sortant d’un mauvais rêve… Ces yeux incandescents où perçait une sincère gratitude.Tout en regardant Hana, Dokusou fit glisser ses mains sur les siennes pour les recouvrir :
- Quelle agréable songe je vis…
- Tu ne rêves pas, lui murmura Hana.
- Alors je n’ai jamais connu d’aussi plaisante manière de se faire réveiller… Fit-il en se redressant et se rapprochant du visage d’Hana. Pouvoir toucher la peau d’un de mes semblables…
- Il te faut partir. Tu n’es pas le bienvenu ici, le coupa-t-elle pour se débarrasser des rougeurs qui lui venaient et de la gêne qu’elle sentait croissante.
- Je n’ai nulle part où aller…
- Je te montrerai, répondit-elle, catégorique. Maintenant, suis-moi en toute discrétion.Hana déploya un long châle qu’elle recouvrit sur la tête de Dokusou et qu’elle noua en dessous le menton.
- Donne-moi la main, ainsi personne ne viendra se douter que tu es le sorcier empoisonneur qu’ils ont mis au fer… Et garde-toi de lever le regard !
Hana le mena en dehors de l’hospice et vérifia qu’il baissait bien les yeux. Elle appela Hitomi pour qu’elle la rejoigne et lui demanda à ce qu’elle se place aux côtés de Dokusou en veillant bien à ce qu’elle ne touche pas sa peau.
Ainsi présentés, l’escorte ressemblait à des promeneurs aidant une personne à mobilité réduite venant prendre l’air. Ils se dirigeaient vers la clairière que Dokusou avait aménagée, et Hana, aidée d’Hitomi, regroupa les dernières affaires du jeune homme qu’elles placèrent au milieu d’une toile.
Dépassé par les évènements, Dokusou les voyait s’activer sans qu’il ne pût dire un mot. Ce ne fut que lorsqu’Hana lui présenta son ballotin qu’il eut une explication.- Voilà tes principales affaires, et des vivres. Suffisamment pour tenir une semaine dans la forêt sans chasser. Je te prêterai un âne pour transporter le nécessaire, celui-ci est assez malin pour retrouver son chemin.
- Mais pour aller où ? Demanda Dokusou, exaspéré.
- Rejoindre ta tribu, ton royaume dans la jungle d’Hebi, répondit Hana en pointant du doigt le sud.
- Mon royaume ?
- Tu es un monarque, Dokusou, et tes hommes doivent être en train de te rechercher.
- Mais je ne saurai diriger un pays !
- Bien sûr que si… Une fois chez toi, je suis sûre que la mémoire te reviendra… Et les atrocités également, pensa Hana à regret.Dokusou regarda avec inquiétude l’endroit qu’avait pointé Hana, puis il se référa de nouveau à la jeune femme qui avait pris la fillette par la main, prêtes à partir.
- Viens avec moi, la pria-t-il.
Hana, surprise laissa flotter un silence embarassé. Elle regarda autour d’elle puis revint sur Dokusou qui n’avait pas esquissé un mouvement, un regard aussi déterminé que sa décision, planté dans ses yeux.
Hitomi avait exercé une légère pression sur la main de sa tutrice pour la faire revenir à l’instant présent.- Je dois m’occuper d’Hitomi…
- Amène-la avec nous ! Je te promets de veiller à votre bien-être.
- Mais les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent, le coupa Hana.Dokusou fronça les sourcils en signe d’incompréhension. Il se tourna alors vers la fillette aux cheveux d’ange et se mit à sa hauteur.
- Et toi, Hitomi, ça te plairait ? Lui proposa-t-il, avec ce soupçon de ruse dans la voix qui le caractérisait tant.
- Cela éviterait qu’il ne retrouve trop rapidement ses mauvaises habitudes, répondit le plus simplement l’intéressée à la jeune femme.
- Chassez le naturel… Murmura Hana.
- L’empêcher de revenir, la reprit la petite fille aux paroles des énarques.Hana semblait hésiter. Une main se tendit… celle de Dokusou.
Elle fit glisser sa main fine dans celle du jeune homme et se plut de constater la douceur de cette dernière. Il la rapprocha de lui sans la quitter des yeux, puis balaya une branche d’un jeune micocoulier et l’invita à lui ouvrir la route.~*~
Le nomade du désert n’avait pas menti. Hien avait été accueillie avec respect par la garde de Toraku et conduite à de vieilles servantes qui s’occupaient de sa toilette.
Après lui avoir noué un voile autour de sa chevelure rousse, elles firent traverser Hien à travers un dédale de couloirs marbré aux hautes fenêtres a claustra et l’invitèrent à entrer dans la salle d’eau aux vapeurs parfumées où elles gommèrent la peau sèche de la jeune femme et l’enveloppèrent d’onguents émollients.Après la cérémonie du bain, elles vêtirent la nouvelle recrue d’une fine étoffe, légère et transparente et la menèrent dans une autre salle, les cheveux toujours cachés à la vue d’un éventuel homme.
La lourde porte cliqueta et l’on fit avancer Hien dans une pièce où reposaient de nombreuses jeunes femmes à la chevelure de feu qui n’était pas sans rappeler celle du monarque. Celles-ci eurent une expression de joie vite altérée par la découverte d’une nouvelle rivale qui pouvait leur ravir leur nuit de plaisir.Jamais Hien n’avait vu autant de femmes rousses qui n’étaient pas des fées. La teinte cuivrée de leurs cheveux proposait un véritable nuancier de couleurs chaudes, du blond vénitien en passant par le châtain auburn, leurs cheveux étaient constamment oints d’une huile brillante qui ravivait leur couleur mais qui alourdissait leur aspect.
Elle reconsidéra la disposition de sa prison dorée sans tenir compte des regards hargneux dont elle faisait l’objet et remarqua là aussi la présence de fenêtres a claustra au dessus des frises et des mosaïques en faïence rouge.
La hauteur était ridicule : il suffisait d’amener quelques divans pour atteindre la fenêtre et d’un saut rejoindre l’extérieur où la chute serait amortie par le sable. Quant à la solidité des fenêtres… Une simple explosion de son savoir ferait craquer le bois.
Il lui fallait désormais trouver le monarque et lui assener un coup vengeur avant de prendre la fuite, et elle n’eut pas longtemps à attendre pour le voir.A l’âpreté du jour succéda la tendresse du soir et les mille couleurs des photophores vinrent illuminer la salle des soupirantes qui se battaient pour disposer des miroirs et remettre en forme leur coiffure rousse.
Des bruits de pas se firent entendre et la précipitation se fit insistante. Les demoiselles se hâtaient de prendre place et adoptaient un air alangui ou une pose qu’elles voulaient naturelle… Puis la porte grinça au rythme de la clé qui tournait.
Un homme se tenait à l’embrasure. A voir la manière dont il se vêtait : de lourdes étoffes retenues par de nombreuses lanières de cuirs, il ne semblait pas craindre la chaleur. Ses cheveux blonds étaient attachés et seules deux mèches auburn encadraient un visage aux mâchoires carrées. C’était lui. Celui qui hantait sa conscience.
Hien, se sentant défaillir, s’était agenouillée derrière un divan et prit un soin tout particulier à se cacher de sa vue.
- J’ai entendu dire que nous avons accueilli une nouvelle douceur ! Où est-elle ?
Sa voix grave et débonnaire lui serra le cœur. Elle se recroquevilla encore un peu plus, priant pour ne pas être dénoncée.
Une jeune demoiselle s’était mise à genoux et adopta un air surpris :- Mon Roi, vous devez faire erreur, personne ne nous a été amenée à moins qu’il ne s’agisse de l’imagination des vieilles nourrices… mais nous, nous sommes bien réelles !
- Ha ha ha, que ne feriez-vous pas pour que je vous choisisse… Bien, je suppose qu’elle n’est pas encore habituée à la contrée et qu’elle se cache… Soit, laissez-moi vous voir.Hien n’entendit pas la suite des évènements. Elle venait de porter les mains à ses oreilles pour mieux se protéger et fuir cette réalité. Elle ressentit le départ du pacha au résonnement de la porte dans les murs.
De nombreuses femmes soufflaient de désarroi, aussi Hien tenta d’en profiter pour soutirer des informations…- Où est-il parti ?
- A sa couche, bien évidemment ! Répondit hautainement l’intéressée.
- Mais pourquoi est-il venu ici ? Reprit Hien.La jeune femme plantureuse qui lui faisait face réajustait ses bracelets en regardant avec un ahurissement dédaigneux la petite nouvelle.
- Pour choisir une compagnie pour la nuit, ma jolie…
- Une compa…
- Une par nuit. Il est insatiable, mais il se lasse vite. C’est pourquoi nous nous devons de le combler chaque jour de différentes manières… Il y a les douces, les cruelles, les mijaurées, les créatives…
- Et le royaume ! S’indignait Hien, comment le dirige-t-il ?!
- Le sable n’a pas besoin d’être contrôlé, quant à la défense de son territoire, le soleil le fait pour lui. Et puis, il a la journée pour s’occuper de ces affaires là. Nous, nous l’en détournons.~*~
Raijin envoya valdinguer les documents que le lui avait tendu son nouveau ministre des affaires étrangères.
- Mes voisins me veulent la guerre, tonnait-il, eh bien qu’ils l’aient !! Plus d’issues diplomatiques, plus de discours amphigouriques !!
- Il n’est pas question de guerre, Monseigneur mais d’abolir les frontières pour permettre à la population d’échanger plus facilement les marchandises, rétorqua Chonchi en ramassant les feuilles.
- Aaaah, fadaises ! Ils chercheront à m’attaquer !
- Cessez d’être si borné, le coupa la jeune femme avec agacement. Votre peuple se meure dans cette presqu’île où rien ne peut pousser convenablement par la faute des intempéries.Raijin se renfrogna et écrasa le menton contre son poing. Son ministre clairvoyant réfutait encore une fois ses décisions, mais il n’aimait pas que l’on profite de ses faiblesses… Et le vent lui avait tourné le dos : chaque jour, les nuages chargés d’électricité s’éloignaient de lui et ne rechargeaient pas suffisamment son pouvoir et son énergie vitale.
Chonchi avait fourni de nombreux rapports depuis qu’elle était rentrée au palais, un mois plus tôt. Elle cherchait à épuiser le souverain en lui présentant quotidiennement diverses affaires réclamant une stratégie alerte et une concentration à toute épreuve. Elle soupçonnait des troupes factieuses en se gardant bien d’être elliptique, allusive, et il défaisait sans s’en rendre compte ses armées. Elle rejetait la turpitude de ses conseillers et il s’empressait de révoquer le conseil. Mais il ne pouvait empêcher les troupes ennemies de frapper lorsqu’il serait au plus mal…
Malgré son attitude narquoise, Chonchi pouvait l’aider en cela, en lui soufflant le moment où il pourrait frapper… Il ne pouvait plus se passer de ses analyses pertinentes et les solutions coulaient d’elles-mêmes, presque décrites dans le rapport. Mais il n’osait lui avouer son impuissance, et que son pouvoir diminuait un peu plus chaque jour tant que les nuages ne revenaient pas. Il avait peur de ne plus être à la hauteur.Chonchi le voyait réfléchir. Elle s’amusait beaucoup des doutes qui assaillaient le roi mais se gardait bien d’afficher une mine réservée et de circonstance et détournait le regard. Elle se plaisait alors à constater l’éclat vif des couleurs du palais révélées par la lumière du soleil triomphant des nuages.
Chonchi était en grande partie responsable des tics nerveux qui assaillaient le demi-dieu. Se réunissant chaque soir avec Daestia et son auguste assemblée, elles avaient recomposé le cercle des fées de l’air, ayant pour objectif de tenir éloignés les nuages dans lesquels Raijin puisait son pouvoir.
Ce seraient d’abord les muscles qui s’atrophieraient, amenant progressivement le roi à la paralysie, puis le cœur cesserait de battre…Raijin s’était assis, las des mauvaises nouvelles qui venaient chaque jour. Il ne trouvait même plus le courage de moucheter Chonchi vis-à-vis de ses remarques insolentes.
- Que feriez-vous à ma place ?
- Pour éradiquer toute menace ?
- Et sauvegarder l’honneur et éradiquer la faim de mon peuple, et…
- Cela fait beaucoup de « et », fit remarquer Chonchi.
- Bah… Renvoya-t-il l’attaque en l’accompagnant d’un geste de la main.Il avait l’air réellement inquiet. Inquiet pour son royaume et ses sujets. C’était la première fois que Chonchi décelait l’inquiétude pour autrui chez ce roi qu’elle n’avait jamais cherché à connaître.
- Alors ?
Prise de court, elle s’inclina et prétendit qu’elle chercherait une solution pour le satisfaire.
- Je vous fais confiance, Chonchi. Vous êtes mon meilleur élément et le meilleur espoir pour notre peuple.
- Mon roi, je vous apporterai mon avis, mais c’est à votre sagesse qu’il faudra vous en remettre.
- J’entends…Chonchi allait se retirer pour rejoindre le cercle des véritables conspiratrices mais Raijin l’arrêta.
- Chonchi… Je n’ai ni descendance, ni famille. Aussi, s’il m’arrivait malheur… Pour le bien du peuple, je souhaiterai que vous me succédiez sur le trône. Fit-il d’un ton qui ne souffrait réplique.
La jeune ministre marqua un temps d’arrêt. Elle se retourna et s’inclina respectueusement puis quitta la salle du trône sans dire un mot.
Néanmoins, les révélations du monarque l’ébranlèrent. Elle faisait peut-être fausse route. Le peuple s’était-il jamais plaint du coup d’état ?
Elle décida alors de reporter la réunion du soir. Il fallait qu’elle réfléchisse sur la meilleure issue à choisir pour la gouvernance de Washi.~*~
Deriba était devenue la servante de Tenshiro. Elle avait vécu leur présence comme un affront et avait tenté de se rapprocher d’Himeguma, devenue l’une des favorites de Kurao, mais celle-ci ne l’avait pas reconnu. Et Deriba sentit qu’elle ne feignait pas.
Himeguma avait les yeux éteints, mais elle gardait sa serviabilité et une discrétion à toute épreuve. Mais lorsque Deriba cherchait à la secouer pour qu’elle se souvienne de son périple et de ses engagements, la jeune femme prenait peur et se sentait terriblement mal à l’aise. Elle doit croire que je suis une fanatique…Alors Deriba avait changé de tactique. Elle essayait de faire parler son maître qui semblait tourmenté aux côtés de sa femme, Kurao.
Elle venait dans ses appartements et le trouvait adossé au chambranle de la fenêtre, tentant de percer les brumes d’Ookami et de porter son regard au loin.- Vous avez l’air soucieux…
- Cela se voit tant que ça ? Avait murmuré Tenshiro.
- Que se passe-t-il, Maître ? Reprit soucieusement Deriba.
- Je ne sais pas… C’est le combat de Kurao. Je n’arrive pas à me l’approprier, je n’arrive pas à croire qu’il s’agisse de ma volonté…
- C’est ce qu’elle vous a dit ?
- Pourquoi en serait-il autrement ? Je me suis réveillé d’un délire amnésique, ne me souvenant que de son visage et c’est elle qui a retracé nos actions.
- Empereur… Je me dois de vous dire…
- Oui ?
- J’espère ne pas attirer votre foudre, mais je me dois de vous dire qu’elle vous ment.Tenshiro n’avait pas relevé. Il semblait curieux et enjoignit Deriba à poursuivre, comme s’il trouvait contentement et soulagement dans le récit qu’elle allait lui donner.
Elle lui raconta alors l’histoire de deux voyageurs, un Dieu et une humaine aux cheveux blancs du nom d’Himeguma, qui cherchaient à rétablir l’ancien ordre des fées et qui allaient de contrées en pays rechercher l’appui des demi-dieux afin de renverser l’impératrice tyrannique.
Tenshiro avait alors fermé ses yeux tristes et renvoyé Deriba à ses appartements. Ne sachant si elle l’avait convaincu ou irrité, la jeune femme craignait pour sa vie et décida de ne plus prononcer un mot devant le couple impérial.
Il n’y avait plus d’espoir en elle. Après avoir fuit une vie de servitude et vécu une aventure extraordinaire, elle se sentit impuissante et inutile. Ca a toujours été comme ça… Il y a toujours quelque chose ou quelqu’un de plus important que moi. Rien ne change, à part mon âge… Se rappelait-elle. Deriba repensait à Oniwa, celui qui l’avait soutenue durant la traversée, et qui n’avait pu la délivrer. Elle ne restait plus à espérer le voir revenir la chercher et pensait qu’il devait avoir abandonné lui aussi la quête avortée des deux voyageurs.~*~
Il en venait toujours de plus belles, apprêtées comme la tradition l’exigeait. De plus jeunes aussi. La porte s’était ouverte et une jeune fille avançait, les yeux rougis d’avoir trop pleuré. Elle avait à peine une quinzaine d’années et elle descendait les marches avec le port grave d’une reine, s’enfonçant un peu plus dans la servitude à chaque pas.
Hien vint la recueillir au milieu des rapaces, comme elle se plaisait à appeler ces femmes à l’allure compassée et prêtes à tout pour être choisies par Toraku.
Lors de ses apparitions nocturnes, Hien ne se cachait plus. Elle lui montrait un visage dur, le défiant presque de la choisir. Mais Toraku balayait la salle de son regard ardent et ne lui prêtait pas attention, trop absorbé par les beautés au regard langoureux qui rayonnaient autour de lui.
Elle l’avait longuement considéré la première fois qu’elle s’était montrée. Elle s’était perdue un moment dans les souvenirs et les rêves, mais son manque de surprise l’avait… attristée. Il ne l’avait pas reconnue alors qu’elle n’avait pas changé. Lui non plus n’a pas changé, se surprit-elle à penser.Elle réconforta du mieux qu’elle le put la jeune fille prénommée Hidia et lors du passage du roi, elle la protégea en la cachant derrière elle.
On l’entendit arriver, réclamant son échanson avant d’ouvrir la porte. Un petit garçon accourut, portant avec lui l’aiguière qui allait désaltérer le roi, mais la femme hautaine aux multiples bracelets l’interpella :- N’as-tu pas soif de moi, mon Roi ?
- Pas ce soir, pas ce soir… Lui répondit Toraku, affable.Il balaya des yeux la salle, puis s’arrêta sur Hien qu’il pointa du doigt.
- Toi.
Hien ferma un instant les yeux avant de relâcher la jeune Hidia et s’avança, prête à assener le coup final qu’elle avait maintes et maintes fois répété.
- Non pas toi, l’arrêta Toraku. Toi derrière qui te cache. N’aie pas peur et viens me rejoindre.
Ce fut une humiliation. Un coup puissant porté à son orgueil. Toraku ne la choisissait pas. Elle ne l’avait jamais attiré et ne l’attirerait vraisemblablement jamais. Un soldat bien utile, c’était tout ce qu’elle avait été. Et maintenant il se rabattait sur la chair, et sur de jeunes innocentes.
Elle héla un rapace sans aucun préambule et la prit par le bras pour lui parler en apparté :- Où se trouve la couche du roi ?
- Comment ça où se trouve…
- Où dort-il ? Où se situe sa chambre ! La pressa-t-elle.
- Au deuxième étage dans le fond du couloir, répondit la femme indignée par tant de sans-gêne.Hien relâcha la prise autour du poignet de la concubine fit volte face, créa deux boules incandescentes dans chacune de ses mains et les rabattit d’un geste vif sur les deux fenêtres de bois. Celles-ci volèrent en éclat dans un fracas assourdissant.
- Que celles qui veulent partir le fasse sans tarder ! Annonça Hien au milieu des cris affolés des femmes.
Elle fit apparaître de nouvelles boules d’énergies qu’elle dirigea sur la lourde porte du gynécée qui ne résista guère et courut dans le long couloir à la recherche de l’escalier.
Bien entendu, les gardes, alertés par le bruit, accouraient à sa suite, mais elle eut tôt fait de les arrêter dans leur course en déversant de nombreuses boules d’énergies qui crépitèrent et les apeurèrent. Elle gagna ainsi une longue avance sur les soldats aveuglés.Non loin de là, Hidia releva l’œil du télescope, inquiète par les bruits venant de l’étage inférieur. Toraku l’avait laissée, lui recommandant de ne pas s’éloigner, et il s’en fut dans le couloir où un début d’incendie s’était déclaré.
D’un geste de la main, il amenuisa le feu qui se propageait à toute vitesse, et alors la frêle ombre qui semblait danser dans le feu se fixa dans une gracieuse silhouette.
- Bravo, les femmes de caractère m’ont toujours plu ! Je me vois bien obligé de t’accorder mon attention…
- Où est-elle ? Ordonna la jeune femme.
- Voyons… Ne me dis pas que tu es venue jusqu’ici uniquement pour mettre le feu à mes femmes et récupérer cette jeune personne dans le plus grand fatras ! Ne me cherchais-tu pas, plutôt ? Reprit-il d’un ton plus lénifiant.
- Passer du petit dictateur au grand séducteur forfant… cela m’écœure…
- Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas ! Alors… Ton souhait était-il de passer la soirée avec moi, ou…
- Une fois que tu auras relâché Hidia, nous ne resterons pas une minute de plus dans ton harem !
- Je te conseillerai d’éviter de traverser le désert glacial à cette heure-ci.
- NON ARRÊTEZ !!Hidia avait désobéi aux conseils de Toraku et se précipitait dans le couloir. Elle maintenait les bras écartés et s’était placée entre son amie et Toraku.
Hien avait préparé deux boules d’énergie dans les poings qu’elle fit disparaître pour laisser parler la jeune fille.- Il n’est pas mauvais, croyez-moi ! Il ne fait que répondre à nos attentes. C’est un homme bon et dévoué pour ses femmes ! Fit-elle à l’adresse d’Hien.
- Ecoute la voix de l’innocence ! Claironnait Toraku.Prise d’un subit accès de rage lié à son impuissance et à l’échec de sa mission, Hien lança ses sphères d’énergie et courut dans le couloir à la recherche de la sortie.
- Par tous les démons, elle m’a aveuglée !! Hurlait la jeune fille.
- Ne t’en fait pas, cet aveuglement-ci n’est que temporaire, lui souffla Toraku en se massant les paupières. Reste-là, il ne faut pas que des femmes de son espèce ne s’aventurent seule dans le désert les nuits sans lune.~*~
Chonchi avait passé la majeure partie de son temps libre à interroger la population au sujet de Raijin. Comment le monarque était perçu, de quoi manquaient-ils, pourvoyait-il à leur besoin ?
Elle était surprise de recueillir des avis favorables à son encontre. Certains allaient même à dire qu’ils se sentaient pour la première fois rassurés pour l’avenir de leurs enfants avec un tel roi à leur tête… Mais le roi se mourrait.La jeune femme leva la tête et admira le ciel bleu. Cela faisait plus de dix ans que la contrée n’avait connu un tel ensoleillement. La lumière de l’automne étendait une brume dorée qui révélait le véritable éclat de l’acropole. Appelée le « joyau vert » par ses habitants, les masures accrochées au flanc de la montagne arboraient une mousse émeraude qui s’étendait sur tous les murs.
Sur son ordre, les compagnons de Chonchi avaient réussi à maintenir éloignés les nuages pour affaiblir Raijin et cela se révélait efficace.- Noble Dame Chonchi ! Noble Dame Chonchi !
La jeune femme fut coupée dans ses réflexions. Un jeune page du palais s’approchait d’elle à toute vitesse, l’air affolé.
- Que se passe-t-il, mon garçon ?
- C’est… c’est le roi… Il est très souffrant ! Il a remercié tous les médecins qui étaient à son chevet et il vous demande…
- J’arrive.Le roi de Washi était couché dans sa chambre, vaste et luxueuse, dont les rideaux avaient été tirés afin de confiner le roi dans un semblant de repos réparateur.
- Approche Chonchi… Approche.
Sa voix grave était faible mais son autorité demeurait.
- La joie principale du pouvoir n’est rien d’autre que la possibilité d’être impunément injuste… J’ai combattu égoïstement, Chonchi…
- Ce n’est pas ce que disent vos sujets.
- Je ne combattais pas pour le bien du peuple, mais pour une croyance.
- Quelle croyance… ?
- Ma croyance… au pouvoir suprême qu’est Kurao. Il y a deux croyances ici-bas, on croit en la déesse, ou on croit en les fées.
- Il ne s’agit pas de croyance ni de foi, mais d’allégeance à un régime politique, ne put s’empêcher de le corriger Chonchi.
- Certes, une allégeance à un pouvoir qui nous dépasse tous. Chacun de nous, les demi-dieux que nous sommes se combattent pour leur cause sans penser au peuple. Ce n’est qu’au moment où l’on se meurt que l’on devient sage et que les priorités de la vie nous apparaissent. J’ai hélas été incapable d’appliquer les conseils que je te prodigue.
- Vous ne mourrez pas, souverain.
- Je t’ai connu plus sage, Chonchi…
- Tenez bon, il ne s’agit que d’une fatigue passagère.
- Ce n’est pas une fatigue. Je ne survivrai pas une journée de plus. Te rappelles-tu de mes dernières volontés dont je t’ai fait part il y a quelques semaines ? Prends soin du peuple, Chonchi.
- J’entends… mais elles ne seront pas encore appliquées. Tenez encore cette nuit, vous guérirez.
- Les médecins eux-mêmes ne peuvent me soigner…
- Mais je connais l’origine de votre mal, avoua la jeune femme. Le beau temps ne restera pas et vous récupérerez vos forces, lui promit-elle.Raijin ne releva pas. Il tourna la tête de l’autre côté pour signifier la fin de l’entretien. Chonchi prit la main du monarque et la serra amicalement, pour lui montrer son soutien. Elle arrêterait tout le soir même.
A l’issue de l’entretien, elle se rendit au lieu de rendez-vous qu’elle avait déserté depuis une semaine, mais aucun de ses amis n’y était, l’heure étant encore trop avancée.
Elle décida alors de se retirer dans ses appartements et se reposer des émotions qui la tourmentaient.~*~
- MAUDIT ROI !! MAUDITES SOIENT SES FEMMES, MAUDITES SOIENT LES FÉES !!
Hien crachait ses mots pour ne pas avoir à les reprendre et hurlait sa rage au désert.
La nuit était froide et le vent soufflait violemment contre ses tempes, mais cela n’était pas suffisant pour refroidir la colère qui lui brûlait les entrailles.
A chacune de ses malédictions, elle lançait une explosion face à elle. Celles-ci lui permettaient de voir le chemin qu’elle empruntait, mais au bout d’un moment, elle dut se rendre à l’évidence qu’elle ne savait pas du tout où elle était.Au loin, elle entendit une sorte de grondement et elle réagit aussitôt en lançant une dizaine de ses sphères énergétiques. Reprends-toi ma fille, il ne s’agit que du vent.
Lorsque ce grondement fut suivi d’un gloussement, Hien eut un frisson. Allons bon… Ce n’est pas le moment de me chercher !Après que la dernière explosion eut retenti, Hien les sentit tout proche. Ses yeux se réhabituèrent à l’obscurité et elle les vit : se déplaçant à toute vitesse à quatre pattes tel le chacal du désert, ils l’encerclèrent d’un air menaçant, leurs yeux rouge sang brillant la nuit.
Elle se dépêcha de créer de nouvelles boules d’énergie qu’elle fit exploser dans le lot, mais les créatures revenaient sans cesse, plus nombreuses.
Alors qu’elle se crut perdue, une immense flamme l’entoura, forçant les créatures à battre en retraite comme des hyènes, sous leur glapissement caractéristique.
Hien perçut la silhouette de son sauveur, reconnaissable entre toutes : celle de Toraku.- Il ne faut pas rester ici ! Les créatures de Kurao t’ont flairée et elles te traqueront sans cesse, l’interpella-t-il.
Tout se mélangeait dans sa tête : la vengeance, le pacte, le désir… mais aussi la reconnaissance. Afin d’éviter de l’affronter, elle tourna les talons et s’enfonça dans la nuit sans lui répondre.
- Je ne vais pas réussir à te protéger si tu continues sur cette voie-là ! L’avertit-il.
- Je n’ai pas besoin de ta protection ! Lui lâcha-t-elle amèrement.
- Tant que tu es sur mon territoire, tu dépends de ma protection. Et c’est de mon devoir que de t’éviter d’essuyer une tempête de sable, Hien !~*~
- Quand agirons-nous ?
- Je l’ignore, crois-tu que nous…
- Nous n’avons pas le temps de croire, Daestia !
- Je… je ne sais pas si…
- Tu es trop sensible… Laisse-moi prendre les choses en main !Daestia se résigna. Nobuo était excédé. Alors qu’il voulait se résigner à vivre sous le gouvernement de Raijin peu de temps auparavant, un regain d’espoir l’avait animé. Jamais ils n’avaient été aussi proches de la victoire. Les nouvelles concernant l’état de santé du roi était en leur faveur : il ne faisait qu’empirer et il fallait agir au plus vite, d’autant qu’ils étaient sans nouvelles de Chonchi, la stratège de ce plan machiavélique, depuis plus d’une semaine.
La lumière du jour déclinant avec vitesse ne suffisait plus, il rédigeait sa missive à la lueur de la chandelle, sur laquelle il souffla du talc avant de la sceller d’un seau de cire.- Tu iras porter cette lettre au royaume, à l’intendant du roi. Allez !
Daestia, comme sortie d’un mauvais rêve, s’exécuta et sortit de sa demeure pour aller porter le message au royaume. En chemin, elle passa devant les volets fermés de l’annexe de Chonchi et ralentit son allure en tentant d’y percevoir un son, mais aucun bruit du quotidien ne lui parvint à cette heure tardive.
Elle pressa le pas et dérangea le secrétaire particulier du roi, veillant sans relâche sur le royaume en lui portant l’épître et lui demandant urgemment de la porter à son roi.
L’intendant reconnut le seau de Chonchi et se hâta de pénétrer sans cérémonie dans la chambre du monarque, ne craignant que trop pour la sécurité du royaume de Washi.Raijin décacheta la lettre avec difficulté et entendit l’intendant lui rappeler l’expéditeur. Il le congédia d’un air las et lut le court message.
Les nuages…
Il replia vivement la lettre, se leva avec peine et appela Gunar, son secrétaire particulier afin qu’il l’aide à s’habiller.
- Mais… mais votre altesse, vous ne devriez pas…
- Il suffit ! Je suis encore le roi de ce pays et j’entends bien agir comme je l’entends !
- Où voulez-vous vous rendre ?
- Sur la terrasse naturelle.
- Mais qu’allez-vous y faire à cette heure de la nuit ?!
- Ah… Tu m’ennuies avec tes questions, Gunar…Il rejeta l’aide de son secrétaire qui lui proposa de se reposer sur lui pour avancer, et Raijin se traîna péniblement dans le palais, ne laissant rien paraître qu’un visage déterminé.
Au dehors, le vent soufflait avec vigueur. Raijin releva la tête mais y trouva un ciel chargé d’étoile sans aucune couverture filandreuse pour les cacher. Le vent l’obligeait à baisser la tête, mais il ne s’était pas recourbé et semblait le défier d’interrompre son avancée.
Le mont n’était maintenant plus très loin et Chonchi disait dans sa lettre qu’elle l’attendait pour lui montrer la venue des nuages chargés d’électricité qui lui faisaient tant défaut.Arrivé à destination en haut du plateau qui s’avançait sur la mer, il s’autorisa à souffler et n’eut plus la force de cacher son épuisement. Il savait qu’il pouvait montrer ses faiblesses à Chonchi. Il avança encore quelques mètres et appela son ministre au secours, mais ne la vit pas.
Derrière, il entendit des bruits de pas glisser furtivement vers lui.- Chonchi… ?
- Tu crois vraiment que Chonchi sera ta sauveuse ?!
- Ah ?Une des suivantes du palais se tenait derrière lui avec un vieil homme. C’était celle qui avait recommandé Chonchi au monarque, et elle affichait une haine inextinguible sur son visage.
Armé d’un joug de bœuf, Nobuo abattit sa massue sur le crâne du roi qui s’effondra sous le choc. Puis, aidé de Daestia, il s’affaira à traîner le corps près du précipice.
Ils le poussèrent avec leurs pieds sur les derniers mètres et accueillirent la chute du tyran comme une libération.
Au loin, un appel fut contré par le vent, mais l’écho leur revint de plein fouet.- NOOON ATTENDEZ !
Les deux séides du cercle eurent à peine le temps de se retourner qu’ils virent un éclair passer devant leurs yeux : Chonchi s’était élancée pour parcourir derniers mètres qui la séparait du vide et avait plongé du bord en déployant ses bras tels les aigles qui survolaient Washi. Elle dirigea le vent et lui somma d’être son allié dans sa chute et de ralentir celle de Raijin.
Elle réussit à le récupérer juste à temps, avant que son corps inconscient ne soit déchiqueté contre les rochers érodés par les violentes vagues de l’océan.Elle entreprit l’ascension aussi facilement que ne l’avait été sa chute, mais avec un esprit beaucoup plus léger.
Lorsqu’elle posa pied sur ce qui était appelé la « terrasse naturelle » par les habitants, elle trouva deux amis terrifiés par le revirement de situation.- Nobuo, tu avais raison dès le début, ce gouvernement se soucie de son peuple.
Nobuo ravala sa salive et acquiesça. Daestia, cependant, avait presque les larmes aux yeux de l’acte de son amie.
- Daestia, je te prie de ne pas m’en vouloir, je t’expliquerai tout après avoir apporté les premiers soins à Rajin. Sache que je ne vous en veux pas d’avoir précipité Raijin, mais maintenant, il nous faut rétablir l’ordre naturel, et laisser les nuages s’approcher des côtes. Pouvez-vous réunir les membres du cercle et agir en conséquence, pour moi ?
La jeune fée baissa les yeux. Elle se sentait comme prise en faute malgré les douces paroles de Chonchi, mais elle se promit de réparer son erreur et convoquerait le soir même les membres du cercle pour inverser le processus.
~*~
Hien avait été silencieuse pendant le trajet qui la ramenait au palais de Toraku. Elle avait fléchi de mauvaise grâce et gardait une bonne distance entre elle et son ancien capitaine.
Alors qu’elle passait devant la porte brûlée du gynécée, elle ne put réprimer un sourire victorieux. Bien que les femmes fussent restées dans leur grande majorité, celles-ci n’affichaient plus leur air suffisant et semblaient affairés à se trouver un coin pour dormir où le feu n’avait pas rongé le confort.
Toraku ne s’était pas arrêté devant la porte, aussi elle hésita à pénétrer dans la pièce ou à le suivre. Sûrement souhaitait-il s’entretenir avec elle ou l’emmener dans un cachot où elle ne pourrait plus faire de dégâts à ses femelles.
Elle le suivit donc, et ils pénétrèrent dans un salon coquet où il détacha sa pelisse pour la suspendre à une paterne. Puis il s’installa sur un triclinium, ramena à lui une aiguière pleine d’eau qu’il déversa sur un fin tissu et se l’appliqua maladroitement sur le dos, pour calmer la large plaie qui lui brûlait l’omoplate.Hien, toujours renfrognée, lui prit le tissu des mains et épongea la blessure par petites touches.
- Ce n’est pas une brûlure… Fit-il en s’éclaircissant la gorge.
- Je sais. Tu ne crains pas les brûlures.Hien continua son geste mécanique, puis elle rompit le silence qu’elle avait imposé :
- Tu savais que c’était moi ?
- Dès le début, à ta façon de te faire remarquer par ton regard… Tu es devenue une très belle femme, Hien.
- Ce ne sont pas cinq années qui embelliront ou terniront le visage d’une fée, Toraku.
- … Sans doute est-ce parce que tu revêts des habits féminins qui te siéent mieux que ton armure.
- Les robes de ton harem changent-elles à ce point une femme ?
- … Par contre, tu as gardé le même caractère ! Marmonna Toraku.
- J’ai appris à dire non.
- A contredire, je dirai…Le roi aspira l’air entre ses dents lorsqu’elle avait appuyé trop fort sur une plaie encore suintante.
- Allez, c’est bon, tu n’en mourras pas, lui fit Hien en jetant le tissu sur le plateau de la carafe et en s’asseyant mieux. Alors… Quel sort me réserves-tu ?
- Tu n’as toujours pas compris l’intérêt que je te portais, Hien ?
- L’intérêt ? Railla-t-elle. Tu t’es toujours montré indifférent à mon égard !
- Je ne savais pas quelle allait être ta réaction, alors j’ai feint de t’ignorer, en attendant que je puisse faire face à ta volonté. Mais lorsque tu es partie, tête haute, j’espérais que tu ne quittes pas le palais car les créatures veillent attentivement les nuits de nouvelle lune et parce que je craignais qu’une tempête de sable ne vienne à éclater.
- Et quel est cet intérêt que tu me portes ?
- Tu étais… la passion, le désir, la folie de la jeunesse dont j’espérais te préserver de mes assauts lors de notre ancienne collaboration. Tu as acquis la sagesse… et tu es devenue une véritable reine, Hien.
- C’est le baratin que tu sers à chacune de tes conquêtes ?
- Je t’ai cru morte, éluda inconsciemment Toraku. Lors de notre dernière attaque, je n’ai retrouvé de toi que ton équipement et j’ai alors ressenti ta perte comme… comme si un gouffre s’était créé en moi. Et j’ai cherché un moyen de le substituer. Mon harem, comme tu l’appelles, n’était que le moyen de rechercher une femme qui te ressemblerait. Mais elles n’étaient pas toi.Il se tourna vers Hien qui était resté à ses côtés et lui tendit la main.
- Voudrais-tu… reconsidérer ton avis à mon encontre, et diriger à mes côtés comme autrefois ?
La jeune femme ne sut pas quoi lui répondre. De nombreux sentiments se bousculaient en elle. Si elle laissait parler son coeur, comment pourrait-elle se montrer à nouveau face à Chonchi ? Et si elle laissait parler sa raison, elle regretterait à jamais cette décision, cette chance de rester aux côtés de la personne qu’elle avait aimé et qui était toujours présent en son cœur.
Alors, tout doucement, elle glissa sa main dans celle de Toraku et scella son engagement en plongeant ses yeux de braise dans ceux de son compagnon.~*~
- Laissez-moi seule avec le monarque.
- Mais Ma Dame, le roi est faible et les médecins sont les plus à même de guérir ses blessures.
- Le roi recouvrira sous peu.Le secrétaire particulier affichait une mine sombre et suspicieuse. Il était décidé à rester auprès du roi de Washi après avoir vu rentrer Chonchi, portant sur ses épaules Raijin, grièvement blessé à la tête.
- Ne crois pas que je tenterai de faire quoi que ce soit au roi. Si j’avais voulu sa mort, je n’avais qu’à le laisser là où je l’ai trouvé, lui fit remarquer Chonchi pour vaincre ses dernières réticences.
Gunar s’inclina respectueusement et laissa le ministre et son roi seuls.
Raijin avait été couché par les médecins et un bandage entourait la moitié de son crâne. Il respirait encore faiblement, mais Chonchi savait qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter pour sa santé.
Elle s’était assise sur le fauteuil qui faisait face au lit, et elle guettait avec impatience les nuages qui viendraient voiler la lune.
Elle n’était d’aucun secours au monarque, mais elle connaissait les risques qui incombaient à sa mission, et elle était prête à les affronter… à ne plus fuir.
Elle attendrait alors son jugement, et quand l’aube tenterait de poindre sous la couche nuageuse des montagnes de Washi, elle saurait.Je suis prête…
La nuit s’écoula, fraîche et réparatrice et Chonchi ne put résister au sommeil des justes. Ce fut l’intensité lumineuse qui lui fit rouvrir les yeux : au dehors, le ciel gris était chargé d’éclairs. La jeune femme mit un certain temps avant de trouver ses repères et s’étonna de se trouver dans le grand lit à baldaquin de Raijin.
Elle replia les couvertures et descendit précautionneusement de la couche pour mieux apprécier le temps électrique au dehors.
Ce fut le loquet de la porte qui l’interpella et la fit se retourner.- Tu ne m’as jamais fait confiance, n’est-ce pas ?
Raijin se tenait sur le pas de la porte, les bras croisés. Il avait recouvré toute sa santé et, malgré son allure nonchalante, l’autorité était gravée dans ses traits.
- Que penser d’un homme qui acquiert un pouvoir ancestral par la force et la sournoiserie ?
- Peu de bien, j’imagine.Raijin se déplaça jusqu’à la fenêtre, sa présence occupait tout l’espace. Chonchi n’avait aucune chance de lui échapper. Au dehors, les roulements du tonnerre faisaient résonner les tambours de guerre. Un éclair passa près de lui, et le plasma sembla le faire rayonner : quelques petites décharges d’électricité couraient le long de ses mains sans lui faire souffrir aucune douleur.
- Gunar m’a conté votre venue…
- Quelle sera la sentence ? Le coupa Chonchi, pour abréger ses doutes.
- Une sentence ? Croyez-vous que je porterai la main sur celle qui m’a sauvé ?Un frisson parcourut l’échine de la jeune femme. Elle doutait des paroles de Raijin, trop calmes, trop posées, si rassurantes.
- Ma montée au pouvoir a résulté de ma soif de découverte si l’on puit dire. Je ne connaissais plus aucune limite une fois en dehors du temple auquel j’étais assigné. Mais en arrivant à ce niveau de responsabilité, j’ai également mûri, et je souhaitais que mon peuple ne soit plus entravé.
- Un peuple libre…
- Exactement, libre comme je le suis.
- Mais vous ne l’êtes pas.Raijin parut surpris pour la première fois.
- Comment ça je ne le suis pas ?
- Un peuple est l’esclave de celui qui le dirige et le roi est l’esclave de son peuple. Si c’est la liberté que vous souhaitez, affranchissez-vous de vos obligations et ne répondez qu’à vos besoins.
- Il s’agit là d’être égoïste.
- Certes, mais c’est la seule condition à la liberté. Vous vous enfermez dans ce confort, dans vos habitudes, dans votre votre routine et vous devrez toujours répondre à l’impératrice… sachant que votre place sera toujours convoitée.Le roi d’Eleki parut peiné. Il s’assit près de Chonchi, lui prit la main, et lui posa sa requête le plus sincèrement possible.
- Je souhaiterai que vous restiez à mes côtés pour me conseiller dans le droit chemin.
- Vous renoncez alors à la liberté que vous semblez prôner.
- Si cela peut réhabiliter mon âme, comme vous avez sauvé mon corps, je l’accepte.~*~
Oniwa était épuisé. Il avait renvoyé sa troupe à Kuma afin de rassurer la gouvernance et n’était pas sûr de l’accueil qui lui serait réservé à Shachi pour une requête personnelle, mais peu lui importait, et il ne poursuivait qu’un seul but, animé par l’espoir.
Le voyage lui avait été plus terrible que la première fois. Sa monture était tombée de fatigue, et il lui avait fallu parcourir la forêt d’Hebi à pied, en prenant soin de se cacher des indigènes à la recherche de Dokusou.
Il lui avait fallut vingt nuits pour traverser la forêt et le bras de mer. Les pêcheurs qui lui avaient vendu son bateau lui avait précisé qu’il y avait de nombreuses réparations à effectuer, et que malheureusement, peu d’ouvriers pourraient l’aider étant donné les exodes des populations fuyant les rives devenues dangereuses.Lorsqu’il parvint à Shachi, ce fut Irok qui le reçut et l’invita à se reposer lorsqu’il déchiffra le chagrin et l’épuisement du monarque dans ses traits. Oniwa déclina l’offre et souhaita agir au plus vite
- Deriba a été capturée… au château de Kurao. Je vous en prie, aidez-moi à la sortir de cet enfer.
Il était misérable et se sentait presque impuissant, mais Irok ne put malheureusement répondre à sa requête.
- Mon ami, je t’aiderai bien volontiers, mais je préfère attendre le retour de Matai, afin que les dispositions soient prises en sa présence.
- Mais il faut agir au plus vite ! S’alarma Oniwa.
- Ne nous précipitons pas pour aller nous rendre directement dans la gueule du loup, le tempéra Irok. Il nous faut une stratégie pour pénétrer les terres impériales et mener à bien l’évasion de Deriba. Ce n’est qu’une question de jour avant que Matai ne rentre, et mon meilleur conseil serait que tu te reposes cette nuit pendant que j’envisage certaines actions dont nous pourrons discuter demain.Oniwa ne put qu’acquiescer la sage décision d’Irok. Il se retira de la salle et s’en fut dans un sommeil agité plus que réparateur.
Matai n’arriva que quelques jours après Oniwa.
Koori ne manqua pas de l’accueillir et s’enquit de son état de santé.- Je vais bien, ne t’en fait pas.
- Pourquoi avoir mis autant de temps ?
- Je suis passée voir Anshin qui a perdu une grande partie de son réseau, et elle m’a redirigée vers un autre clan qui vit à la limite de la forêt Sasori et la jungle d’Hebi. En remontant la rivière, je n’ai pu trouver que des traces anciennes d’un campement et j’ai perdu leur trace à ce niveau… Ma visite aura été instructive, bien qu’inutile sur le plan stratégique. Et de ton côté ?
- Oniwa est ici. Ils ont capturé Deriba et il demande notre aide.
- Alors s’en est fini de notre projet de visite au royaume de Washi… Et s’en est fini d’Irok.
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