Fanfiction - 4ème Saison
« Rien ne va plus »

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4- Festival

- Oui…
- Donc vous soutenez ne pas connaître de Ocean ni d’avoir de sœur cadette.
- C’est ce que je viens de vous affirmer il y a de ça vingt secondes.
- Ne soyez pas insolent, je vous prie…
- Je ne fais que confirmer ce que…
- Bon, écoutez Monsieur Kinomoto, vous allez arrêter de jouer avec nous : mon collègue à mes côtés affirme vous avoir vu avec une prénommée Ocean, que vous avez reconnu comme étant votre sœur, et je pense sincèrement…
- Vous pensez ? En ce cas, j’aimerai bien voir la déposition, car jamais je n’ai…
- NE ME COUPEZ PAS LA PAROLE !
- Faites ce que je dis, pas ce que je fais… Marmona Toya en regardant droit dans les yeux son interlocuteur.
- Je vous demande pardon ?
- J’ai dit : « Famille… J’ai mon livret ».
- Votre livret ?
- … de famille ! Je l’ai apporté avec moi pour bien vous montrer qu’il n’y a aucun lien de parenté avec une quelconque Ocean.
- Pour nous rapporter ce livret, vous deviez vous sentir coupable de quelque chose… vous ne chercheriez pas à vous justifier, autrement ! Affirma le commissaire Kaioh, fier d’avoir enfin coincé le jeune impertinent qui lui faisait face.
- On m’a prévenu que vous vouliez m’interroger sur ma famille, et je pensais judicieux de vous ramener mon livret de famille pour que tout soit clair à l’entretien et que je n’aie pas matière à revenir, expliqua simplement Toya.

Le commissaire Kaioh inspira bruyamment, et son visage vira au cramoisi. Il ne voulut pas exploser devant le calme de son interlocuteur, aussi cracha-t-il des mots qu’il regretta aussitôt :

- SORTEZ DE MON BUREAU IMMEDIATEMENT !

Toya inclina respectueusement la tête et s’en fut devant les deux visages stupéfaits du commissaire Kaioh, par ce qu’il venait de dire, et de son collègue Aiko, par ce qu’il venait d’entendre de son supérieur.

~*~

Les FaMaLuMé étaient désespérées : les économies qu’elles avaient réalisées pour aider les Soldier leurs avaient été dérobées, et cela faisait trois semaines qu’elles tentaient de réunir la somme perdue sans pour autant abandonner leurs recherches. Toutefois, leur activité s’était vue considérablement ralentie, car les élèves n’étaient plus disposés à aider les filles dans leur fantasque quête.
Denchu, quant à elle, respirait mieux. Elle avait pu rembourser le commerçant, mais son job du week-end la ralentissait énormément, tant pour les cours que pour supporter l’ensemble des corvées : celle-ci était perpétuellement fatiguée, et tenait plus que tout à rembourser tout le monde.

Le festival, sorte de fête de la ville, dont Denchu avait en charge le déroulement, avait mis les Soldiers en liesse ! Non seulement, la jeune fille avait pu leur obtenir des places à moitié prix, mais c’était aussi une grande première pour tout le monde, eux qui étaient toujours occupés à cette période de l’année.
Le kimono était d’usage et les filles couraient de boutique en boutique pour trouver la pièce unique qui leur donnerait une attention exclusive des habitants de la ville.
Seule Yuko n’accompagnait pas ses ainées. Il lui était difficile de sortir en ce moment, d’autant que le temps jouait au yoyo et de nombreux rhumes et autres maladies lui tombaient dessus. Les filles entreprirent de se renseigner sur ses mesures et ses goûts – critères des plus importants de la part de Yuko – afin de lui trouver la pièce qui lui conviendrait le mieux… Mais à vrai dire, le festival était la dernière préoccupation de la jeune fille…

Yuko restait seule dans sa chambre, sous l’excuse d’une laryngite contagieuse. Entre ses mains, un bout de papier chiffonné, une lettre que Yugo lui avait lancée, à travers la classe alors qu’elle venait de rétorquer vivement contre son professeur d’art plastique…

Alors elle fermait les yeux, et sous l’effet d’une méditation intense, elle revivait l’année de sa vie… l’année dernière. Elle se complaisait à évoluer parmi ses illusions, souvenirs évanescents reprenant corps, les cinq sens aguerris en trouvaient satisfaction.
Et trop vite survenait la chute.
Ce retour en arrière avait été douloureux. Comme chaque fois, le souvenir de ces périodes de bonheur intense la submergeait d'un trop-plein d'émotions qu'elle ne savait comment gérer. Elle était là, allongée sur le lit, les yeux humides, tentant de retrouver son rythme cardiaque qui s’était trop subitement emballé.
Elle voulait croire ce que lui répétait son frère : que le passé s’atténuerait avec le temps… elle se disait éprouver cette méthode : tester cette véracité en y replongeant, mais elle savait que ce n’était encore qu’une excuse… et que celui-ci remontait avec intensité et entraînait à la surface toutes ses souffrances.
Une quinte de toux la sortit de ses pensées : elles étaient à chaque fois plus forte, raclant son corps de l’intérieur et blessant ses faibles organes. C’est à ce moment que Kima choisit d’entrer :

- On a trouvé une pièce de choix !
- Merci de t’être annoncée avant d’entrer, dit-elle faiblement.
- Il s’agit d’un kimono doublé de… Oh mon Dieu, mais tu saignes ! S’alarma Kima.
- Mais non, ce n’est rien… c’est la laryngite…
- Yuko, il faut que tu ailles voir un docteur ! S’indigna la jeune fille.
- Non ! Se récria Yuko, aussi haut que sa faible voix pouvait porter. Non, il en est hors de question.
- Pourquoi… pourquoi refuses-tu de l’aide ? Lui demanda-t-elle, peinée.
- Et vous, pourquoi vous acharnez-vous continuellement à me dicter ce que je dois faire ?
- Mais Yuko… c’est pour ton bien, on ne veut que ton bien !
- Vous ne devriez pas vous attacher comme ça ! Rétorqua-t-elle vivement en tournant la tête pour planter son regard dans les yeux noisette de son interlocutrice.

Kima eut un mouvement de recul face à l’agressivité des propos de Yuko. Toutefois elle n’y perçut aucune haine, juste une mise en garde douloureuse.

- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu considères qu’on ne doit pas s’attacher ?
- Parce que… en vous attachant, vous créez des liens qui vous affaiblissent si un coup dur survient. Et je ne voudrai pas… vous causer de mal.
- Je ne comprends pas… enfin, il y a quelque chose que je ne saisis pas : tu aurais dis : « je ne voudrai pas que vous me causiez du mal », j’aurai compris, mais pourquoi tu te places comme s’il allait t’arriver quelque chose ?
- Notre quotidien, je suppose… Répondit-elle, évasive.

Kima sourit tendrement :

- Si c’est de nous dont tu te soucies, dis-toi que c’est réciproque. Alors, promets-moi de prendre soin de toi, lui répondit-elle en la prenant dans les bras pour la première fois.

Yuko se laissa faire. Kima avait un don très proche de celui de Yumi : elle la soulageait… mais physiquement : comme si la machine rouillée qui lui servait de corps se mettait à fonctionner sans peiner… mais son étreinte lui apportait une autre forme d’apaisement : celui d’une mère protectrice. Aussi, son corps répondant à tous ces nouveaux signaux, elle ne put empêcher les quelques larmes trop longtemps retenues de couler.

- Tiens, regarde ce qu’on t’a trouvé ! Lui dit Kima avec engouement, pour faire taire sa tristesse. Un yukata en pur lin, bleu nuit avec des orchidées noires… et un obi améthyste !
- Merci…
- Je te laisse l’essayer ! Moi je dois vite filer repasser le linge : je suis de corvée aujourd’hui !

Kima quitta la chambre et Yuko lui en fut reconnaissante. Le kimono dans sa main, elle ne put qu’apprécier le bon goût de se ainées qui avait trouvé l’étoffe de qualité et les couleurs reflétant sa personnalité silencieuse.

~*~

Fort heureusement, la nuit du festival avait été douce : la journée, le soleil avait bien réchauffé la ville, et les nuages étaient apparus en fin d’après-midi, contribuant à enfermer la chaleur pour la nuit.

Le festival débuta par un discours du maire, souhaitant une bonne rentrée à tous, travailleurs, élèves comme étudiants, et plaça cette année sous le signe de la productivité et de changements majeurs dans le plan de la ville.
Il remercia ceux qui avaient travaillé pour la création de ce vingt deuxième évènement, et invita tout le monde à commencer les festivités.
Denchu, faisant partie de l’équipe des organisateurs, prit congé de l’estrade et vint rejoindre ses amis sous les applaudissements réservés au maire.

- Magnifique impression ! Lui fit remarquer Takeshi.
- Oh, oui, le maire est assez populaire.
- Oui, mais nous applaudissions principalement pour ton travail ! D’ailleurs ce yukata te va à merveille… ajouta le garçon en la mirant sans scrupules de haut en bas.

Le kimono de Denchu était des plus simples : un jaune or, surligné par des motifs noirs représentant des branches de cerisiers en fleurs. Denchu baissa la tête pour mieux admirer son ensemble, puis elle ajouta :

- Oui, mais nettement moins sexy que ma robe de bal… ça reste traditionnel et discret en somme.
- C’est tout toi ! Mais c’est vrai que cette robe sera rarement surpassée… à moins d’une nuisette transparente qui…
- Crétin ! L’arrêta-t-elle en lui donnant un coup de coude dans les côtes.

Takeshi laissa échapper un rire moqueur, puis prit Denchu par la taille. Elle se laissa balader, bien que connaissant mieux que quiconque l’endroit, elle ne voulait pas user de raccourcis et laissa le temps s’écouler lentement, sans prévision… pour une fois.
De par le kimono du garçon, à eux deux, ils formaient le couple parfait de la vanille et du chocolat !

Kima avait attendu que Denchu s’en revienne de l’estrade pour enfin pouvoir discuter de sa nuit avec Haneru. Elle mourait d’envie de leur dire, pour se sentir moins seule avec ce secret, cette limite qu’elle avait décidé de dépasser, mais elle en avait eu rarement l’occasion : à chaque fois qu’elle voulait parler aux filles, un élément perturbateur d’origine masculine pointait le bout de son nez.
Au début, elle avait hésité à en parler à Yuko. Il est vrai que la jeune fille ne prêtait pas aux confidences, mais elle ne voulait pas l’évincer, et surtout lui montrer qu’elle faisait vraiment partie du groupe.
Mais cette fois-ci encore, elle devait décaler son discours… et retarder cette annonce lui apportait à la fois un petit soulagement, mais un réel stress face à la rencontre groupée… Sincèrement… quelle stratégie adopter ? Se disait-elle. Mais elle fut stoppée dans ses pensées par une violente quinte de toux de Yuko.
Kima s’en retourna aussitôt auprès d’elle et posa sa main sur la poitrine de Yuko… mais elle ne parvenait pas à l’apaiser. Haneru, qui était à leur côté avec Yumi, s’inquiéta de l’état de sa sœur et vint la soutenir alors que ses jambes commençaient à se dérober sous elle.

- Il faut… il faut que je rentre ! Réussit-elle à dire.

Haneru suivit la requête de Yuko et la prit dans ses bras tant elle était faible. Kima, inquiète, marchait aux côtés du jeune homme, mais celui-ci l’arrêta :

- Je vais l’amener à l’hôpital, ne t’inquiète pas, je resterai près d’elle…
- Je t’accompagne ! Affirma-t-elle.
- Non, je préfère que tu t’amuses avec les autres. Je pense que Yuko nous couve juste une fatiguite aigue, et ce serait dommage que tu ne profites pas de la fête…
- Mais si c’était plus grave ?
- Je l’emmène à l’hôpital pour m’assurer qu’elle ait des soins pour le week-end, pas parce que j’ai l’impression que c’est grave ! Je connais ma sœur et ses faiblesses, la rassura-t-il en lui clouant le bec avec son irrésistible clin d’œil.

Kima s’en trouva à moitié rassurée, mais elle les laissa partir. Elle savait que Yuko était à l’abri avec son frère… Lorsqu’elle se retourna, elle se rendit compte que la foule s’était dispersée pour participer aux nombreuses activités et se sentit étrangement perdue sans son téléphone portable… Il ne reste plus qu’à savoir où ils sont allés…

~*~

Satoshi et Kasumi s’étaient d’eux même éloignés sous l’action de la foule, laissant seuls Deshi et Toya qui s’en furent parmi les divers jeux des stands.
Après avoir conversé en marchant, Satoshi se rendit compte que personne de la pension ne suivait :

- Attends… tu sais où sont les autres ? Demanda celui-ci à la jeune fille.
- Euh… non… et je n’ai pas pris mon portable avec moi… en même temps, avec les yukatas…
- On revient sur nos pas ?
- Oh non ! C’est bon, ils sont grands, nous aussi, et Yumi était avec Kima et Haneru. On n’a qu’à nous arrêter à quelques stands, et on les retrouvera bien à un moment !
- Ca marche !

Et effectivement, ils s’amusèrent grâce aux nombreux divertissements proposés par les forains, et pendant que l’un s’entraînait à tirer des pelotes de chaussettes sur des boîtes de conserve au chamboul’tout, l’autre tentait sa chance à une petite loterie dont le meilleur lot était un vélo.
Satoshi venait de remporter un bon score au tir à la carabine, et il avait le choix entre plusieurs cadeaux. Bon… ouais, l’énorme peluche et je la donne à Yumi… Ca lui en fera une de plus pour sa pyramide de jouet… ou alors le dernier Mario Galaxy, mais j’ai plus trop le temps de jouer…

- Baah, donnez moi la fleur blanche, là ! Dit-il, tout de go.
- La fleur ? Mais c’est juste le lot de consolation, lui répliqua le forain, étonné.
- Oui, mais c’est le seul cadeau qui me convienne, avoua le jeune homme.

Le commerçant lui donna la fleur presque à contrecœur, et il lui joignit une petite peluche pour ne pas laisser le participant avec un lot sans valeur.
Kasumi venait tout juste d’arriver à sa hauteur et Satoshi s’empressa de cacher sa fleur, puis de bafouiller quelques phrases :

- Et, euh, ça s’est bien passé ? Tu as gagné ? Pas trop dur ? Sympa ton kimono !
- Merci…enfin bref, c’est pas trop dur d’attendre, mais je n’ai absolument rien gagné… Principe de la loterie, répondit-elle quelque peu amère.
- Ah… je vois… bon, on continue ?
- Ok… mais avec tout ce monde et ce piétinement, ça en devient vite désagréable.
- On peut couper par l’herbe, sinon…

Kasumi hocha la tête et suivit le garçon perdue dans les comptes de la soirée, et le constat qu’elle venait de perdre au bas mot cinquante euros, en ayant gagné en tout et pour tout trois bonbons… Je vais les payer cher mes caries… Elle n’avait pas vu que Satoshi s’était immobilisé : ce n’est que lorsqu’il l’eut arrêté de son bras qu’elle regarda enfin face à elle… et le spectacle en valait la chandelle !
Devant eux, un petit ruisseau surmonté d’un pont leur offrait un instant magique : les milliers de lucioles qui habitaient aux alentours s’étaient réunies face à l’agitation régnant plus loin au festival. Elles volaient doucement, laissant derrière elles une petite trainée lumineuse, autant de persistances rétiniennes mêlées aux étoiles conféraient une clarté surnaturelle à l’obscurité du lieu.
Kasumi en était sans voix. Les yeux grand ouverts, elle balayait la scène jusqu’à se retourner vers Satoshi voir s’il partageait cet instant, et il était tout aussi absorbé par le phénomène qu’elle.
Il tourna alors la tête vers Kasumi, lui sourit tendrement, complice de cet instant partagé… puis, il baissa la tête vers la main qui tenait la fleur gagnée peu auparavant, et regarda à nouveau Kasumi…

- Ton kimono te va vraiment bien… Dit-il après quelques secondes de silence.
- Oh… merci, mais tu me l’avais déjà dit, lui répondit-elle quelque peu embarrassée.

Il s’approcha délicatement, la fleur à la main, et la lui tendit sans la quitter des yeux. A cet instant, une luciole vint s’y poser, illuminant le gardénia blanc et reflétant la pureté de son blanc. Kasumi la prit et détourna le regard…

- Tu sais, je voulais te dire…
- Merci ! Reprit Kasumi, le coupant dans son élan.

Satoshi lâcha un souffle qui sembla être un rire forcé. Il se mordit l’intérieur de sa joue se demandant pourquoi il avait agit de la sorte.
La jeune fille, le voyant perplexe, s’approcha de lui et posa sa main sur son visage, puis, fermant les yeux, elle fit couler son visage près du sien… Surpris, Satoshi sentit son cœur battre et le sang affluer trop rapidement à ses tempes. Au moment où il se décida à fermer les yeux, une explosion de grande ampleur survint dans le ciel.
Il ouvrit les yeux effaré, et Kasumi l’embrassa rapidement sur la joue avant de s’en aller rejoindre la foule qui regardait le feu d’artifice.


Satoshi resta un instant seul, pour reprendre le contrôle de tous ses sens et analyser la situation. Puis, pour ne pas embarrasser Kasumi, il décida de faire comme si de rien n'était, et partit la rejoindre au milieu de la foule, se promettant dorénavant de ne plus rien tenter d’absurde.

~*~

Deshi avait passé le plus clair de son temps à s’arrêter à chaque stand pour y découvrir l’attraction qui s’y jouait, et Toya attendait patiemment la jeune fille un peu à l’écart. Elle revenait souvent avec une peluche de taille moyenne – le gros lot n’étant que rarement pour elle – et un sourire illuminait son visage à chacune de ses victoires. Après avoir trouvé un endroit peu peuplé pour pouvoir voir le feu d’artifice, ils ne tardèrent pas à tomber sur Satoshi et Kasumi qui s’en revenaient eux aussi du spectacle :

- Alors, le bouquet final, tu l’as trouvé comment ? S’enquit Deshi auprès de Kasumi.
- A vrai dire… mon esprit n’était pas vraiment concentré sur les pétards…
- Les feux, Kasumi, les feux ! Pourtant c’était un magnifique dégradé de bleu, je suis sûre qu’il t’aurait plu ! Bon, mais t’étais où ?
- Ben en fait… Commença-t-elle, hésitante, avant de reprendre un ton plus bas : en fait, je crois que Satoshi… en fait…
- En fait… ?
- Oh, mais si c’est pas ça, je vais passer pour immodeste, voire parano !
- Mais nooon, tu peux tout me dire ! L’encouragea Deshi, les yeux gourmands.
- Bon, Satoshi nous a fait passer par un raccourci, et oh, c’est vrai, tout était trop parfait, l’ambiance et le lieu, près du lac, son compliment sur mon kimono et la fleur qu’il m’a tendue, mais le feu d’artifice à commencé, alors j’ai pris ça pour un signe, de toutes façons je ne savais pas où me mettre, ni quoi faire, ooh ! C’était horrible.
- Doucement, Kasumi, doucement ! J’ai rien compris… Vous avez été attaqués ?
- Non. Je pense que Satoshi a voulu être romantique.
- Oh mais c’est géniaaal, ça ! S’exclama Deshi avant de partir dans un rire de victoire, et ajouter plus silencieusement face au regard de réprimande de Kasumi : Et alors, et alors, la suite ?
- Ben… j’ai regardé le feu d’artifice… comme excuse… Je ne savais absolument pas comment réagir, c’était un signe…
- Ah… je vois, non, c’est vrai, je comprends. J’ai plus ou moins eu une réaction semblable, une fois. Tu étais gênée face à cette situation inhabituelle… Psychanalysait Deshi avant d’être coupée par Satoshi.
- Oh, Kasumi, vient voir, il y a la pêche à la ligne là-bas, et tu peux gagner des Bubulles !

Kasumi n’eut pas le temps de répondre qu’elle fut embarquée par Satoshi au devant du stand qui proposait les poissons rouges en guise de gain.
Deshi les regarda s’éloigner avec un sourire doux… qui se transforma vite en expression mélancolique… C’est vrai… même pas une remarque sur mon kimono…
Toya ayant fini de discuter avec Satoshi se rapprocha de Deshi et remarqua que celle-ci avait perdu toute jovialité :

- Ca va ?
- Oui, oui…
- Non, ça n’a pas l’air…Qu’est-ce qu’il y a ?
- Rien…
- Arrête de jouer à la fille, Deshi !
- Tant que je ne te le dis pas, tu me lâcheras jamais, soupira celle-ci.
- Exactement, lui répondit celui-ci en croisant les bras et en se plantant devant elle.
- Alors je ne te le dis pas ! Lui répondit-elle avec un faible sourire.
- Deshi… Tu m’aides pas, là… Souffla-t-il.

La jeune fille baissa la tête. Elle mourait d’envie de lui partager ce qui l’avait soudainement miné, mais elle trouvait son raisonnement si futile… que ça lui échappa d’elle-même :

- C’est juste qu’on est là, tous les deux, à un festival, le cadre est inhabituel, et toi tu n’as pas décroché un seul mot de la soirée…
- Ben… Qu’est-ce que tu veux que je dise !
- Je sais pas moi ! Ne serait-ce qu’un avis sur le festival, pour commencer, le feu d’artifice, les kimonos qui te plaisent…enfin un échange ! Toi, tu es juste resté là genre je sais pas quoi faire d’autre, sans vraiment avoir une discussion… Voilà, tu as fait acte de présence, bravo, ta prestation était digne d’un surveillant, aucun dialogue !
- Mais qu’est-ce que je suis en train de faire là ?! J’échange, non ! Je viens bien de m’intéresser à toi puisque je t’ai demandé si ça allait… S’emportait Toya avant de se faire couper par Deshi.
- Oui, mais si je ne te l’avais pas fait remarqué, tu n’aurais rien dit !
- Mais qu’est-ce que tu me reproches au juste ?
- Ton comportement ! Je ne sais jamais comment me positionner ! Un coup tu es cynique, un coup tu es protecteur et la minute d’après tu m’évites complètement, j’ai l’impression de t’encombrer plus qu’autre chose, d’être un boulet ! Et pourtant, plus le temps passe, plus je m’accroche désespérément aux petites attentions que tu veux bien me donner de temps à autre comme tu enverrais des miettes aux oiseaux qui doivent se battre pour les obtenir… Tu… tu, tu, tu n’est pas clair dans tes intentions, tu joues avec moi alors que… alors que MERDE, tu le sais très bien pourquoi ça ne va pas !

Toya ne répondit rien, il était estomaqué face au revirement soudain du comportement de Deshi. La minute d’avant, tout semblait aller pour le mieux pour la jeune fille… S’il avait su que c’était une bombe à retardement, il n’aurait pas posé sa question anodine.

- Tu veux que je sois franche, je suis franche ! Et là… là, tu es à la limite du dégout… Il faut savoir… assume un peu !
- Désolé…
- Désolé, désolé, tu ne sais dire que ça ! Pourquoi tu ne me dis pas ce que j’aimerai entendre…? Dit-elle dans un souffle
- Parce que je ne peux pas… je ne voudrais pas te blesser en te disant la vérité.

Elle venait de faire sa troisième tentative, tout aussi infructueuse que les deux premières… comment pouvait-il être aussi glissant sur le sujet ?
Dans les yeux de Deshi brillaient de la déception, mais aussi de la rancune face au regard désolé de Toya.

- Tu sais quoi ? Je préfèrerai que tu me mentes, ça me blesserait beaucoup moins que ton incertitude feinte. Je rentre, j’en ai marre.

Elle se dégagea rapidement et Toya ne fit rien pour l’empêcher de s’en aller, pire même, il s’écarta pour la laisser partir et ne regarda pas en arrière.

~*~

Enfin elle aperçut Denchu ! Kima pressa Yumi afin qu’elles arrivent plus vite auprès de son amie au kimono d’or :

- Denchu ! Enfin un visage familier ! L’interpella-t-elle.
- Oh, Kima, tu n’es pas avec Haneru et Yuko ?
- Non, Yuko s’est sentie mal et Haneru a préféré l’amener à l’hôpital…
- Rien de grave, au moins, s’inquiéta Denchu.
- Je ne pense pas… une baisse de tension, mais surtout une grosse déprime…
- Et Haneru va revenir ?
- Je ne sais pas exactement. Vu qu’on est jour de fête, et que les urgences n’ont que le nom qui implique la rapidité, il se peut qu’il rentre directement à la maison. Et toi, tu n’es pas avec les autres ?
- Non, j’admets être partie un peu vite avec Takeshi. Il est parti acheter du pain d’épice, là, et… Ah bah tiens ! Regarde, il y a Satoshi et Kasumi là-bas… avec Toya ! On est tous réunis, j’ai l’impression.

Yumi, qui venait de voir tout le monde réuni, manifesta l’envie de changer de nounou et de plonger dans les bras de Toya. Kasumi pressa le pas lorsqu’elle vit ses deux amies et laissa Satoshi et Toya ensemble :

- Tu t’es bien amusée, Kasu ? S’enquit Kima.
- Oui, pas trop mal…
- Et Deshi, où est-elle ?
- Elle est rentrée, elle était un peu fatiguée, lui répondit Toya qui venait d’arriver à son niveau.
- Elle aussi ? Constata Denchu.
- Takeshi est dans le coin ? Demanda-t-il à son tour, éludant ainsi la question de Denchu.
- Là-bas, au stand bio. Il prenait du pain d’épice.
- Ok les filles, on vous laisse, on va le rejoindre… et il ne va pas falloir tarder, Yumi semble un peu fatiguée.
- Noon, ‘suis pas fatiguée ! Rétorqua la petite fille dans un bâillement, et exprimant la volonté de rejoindre les bras de Kasumi.

Kima les regarda s’éloigner avec une pointe d’excitation et s’en retourna avec fébrilité vers les filles :

- Bon, il manque Deshi et Yuko, mais c’est pas grave, je peux plus tenir… Les filles, il faut que je vous avoue quelque chose !

Les regards braqués sur elle, Kima se sentit faible tout à coup. Main sur le cœur, elle reprit sa respiration, afin de ne pas avoir à annoncer cette nouvelle une deuxième fois. Au moment où elle allait se lancer, une voix d’enfant la coupa dans son élan :

- C’EST ELLE, MAMAN, C’EST ELLE !!

Kima regarda le petit garçon qui pointait dans sa direction, puis se tourna derrière elle pour voir la personne incriminée, mais il se trouva que la mère s’arrêta sur Kima…

- VOUS N’AVEZ PAS HONTE ?!
- Je vous demande pardon ?
- REGARDEZ, NON MAIS REGARDEZ CE QUE VOUS LUI AVEZ FAIT !!

La femme qui était dans une colère furibonde remonta la manche de son fils pour lui montrer un poignet bleu et bien enflé tout en crachant ses mots :

- SALE FURIE ! NOUS ALLONS PORTER PLAINTE CONTRE VOUS, SOYEZ-EN ASSUREE !
- Mais… Attendez, expliquez-moi, il doit y avoir erreur sur la personne, je ne comprends…
- VOUS NE COMPRENEZ PAS QUOI ? LE FAIT QUE QUELQU’UN PUISSE CHOISIR LE MEME LOT QUE VOUS ? QUELLE IMMATURITE !
- Madame, calmez-vous, Kima nous a suivi tout le fest… commença Denchu avant d’être à son tour coupée.
- KIMA ? EH BIEN, MADEMOISELLE KIMA S’EN EST PRISE A PLUS PETIT QU’ELLE… VOUS SAVEZ COMMENT CA S’APPELLE, CA ? DU RACKET !

Un petit groupe de personne commençait à se former autour de l’action et Kima était complètement dépassée par les faits si bien qu’elle ne savait comment s’en dépêtrer… surtout que Denchu avait menti sur le dernier point : de tout le festival, elle n’avait été avec aucun des Soldiers…

- MAINTENANT, VOUS ALLEZ ME SUIVRE, JEUNE FILLE ! Hurla-t-elle en empoignant le poignet de Kima.
- Mais… mais non !

Kima se dégagea vivement, remonta son yukata sur ses genoux et courut pour fuir l’hystérie générale. Face aux cris persistants de la femme qui l’accusait, des personnes entreprirent de barrer la route à Kima, mais celle-ci avait été plus agile et avait atteint le sous-bois… d’où elle put se transformer pour échapper à la vigilance de ses poursuivants.

Le gros de la foule s’étant mis à la poursuite de Kima, Denchu et Kasumi – Yumi dans ses bras – décidèrent de partir à sa recherche, Denchu distançant de loin la rouquine qui s’arrêta de courir au bout d’un moment et qui décida d’attendre Takeshi, Toya et Satoshi afin de leur expliquer le gros du sujet…

… Et elle attendit près d’une demi-heure, l’épaule endolorie par Yumi qui s’était endormie pour de bon, pour voir Takeshi et Satoshi émerger, en nage et se tenant les côtes, du sous-bois environnant.

- Qu’est-ce… qu’est-ce qu’il s’est passé ? Demanda-t-elle, la panique perçant sa voix et réveillant Yumi, malgré elle.
- On a… on a… Pfiouuuuuu… Haletait Satoshi. Cinq secondes, que je reprenne mon souffle !
- Et cinq…
- T’es pas cool parfois, je t’assure ! Grimaça le garçon. On a fait la chasse à la sorcière…
- Pardon ?
- On a aidé des personnes à retrouver une furie qui a littéralement cassé le bras à un petit garçon, parce qu’elle voulait lui prendre son argent… ou le cadeau qu’il avait gagné, je m’en souviens plus, reprit Takeshi qui se remettait visiblement mieux de sa course. Si c’est le deuxième cas, c’est carrément pitoyable…
- Et Toya ? Le coupa-t-elle.
- Il est rentré avant que l’affaire n’éclate. Il commençait à devenir agoraphobe avec tout ce monde. Bon, on va y retourner… parce que tant qu’on l’a pas retrouvé, on ne pourra pas dormir tranquille.
- Attendez ! Je crois qu’il y a erreur sur la personne… Ajouta-t-elle en tendant Yumi l’adresse de Takeshi.
- Pourquoi ? Demanda Satoshi.
- Parce que cette femme a accusé Kima d’avoir agressé son garçon. Nous étions là, en première ligne. Alors oui, Kima s’est enfuie, je ne sais pas si elle mesure les conséquences de son acte… mais c’est impossible qu’elle ait fait une chose pareille. S’il vous plaît, venez, on devrait plutôt l’aider que la poursuivre, non ?

Takeshi et Satoshi en restèrent des plus perplexes face à l’annonce de Kasumi, ce qui ne les empêcha pas d’accéder à sa requête. Effectivement, ils trouvèrent étrange que l’accusation soit portée sur Kima, mais récemment, les faits sordides s’enchaînaient de manière si insistante que le hasard n’était plus accepté comme excuse. Yumi à demi-somnolente dans les bras, Takeshi emboîta le pas de Satoshi et Kasumi, et s’enfonça à nouveau dans le sous-bois pour y chercher Kima.

~*~

A mi-chemin, Deshi s’en voulut de s’être emportée… sa manie de vouloir vivre des scènes romantico-dramatique avait prit le dessus, mais bien entendu, encore une fois rien ne s’était passé comme elle l’avait voulu.
Une fois à la maison, son désespoir ne fit que s’accroître : de tout le chemin, elle avait eut espoir que Toya la rattraperai ne serait-ce qu’il lui fasse les gros yeux et qu’il la réprimande sur son immaturité, qu’il la secoue pour que lui revienne le sens de la réalité… qu’il s’inquiète pour elle, mais ce ne fut pas le cas. Il s’en était désintéressé, comme on se désintéresse d’un disque qui a trop tourné, lorsque la chanson, qui autrefois enivrait, lasse.

A peine arrivée au salon, elle dévêtit son kimono et le jeta sur le canapé, prit ses zoris, les sandales de paille complétant le kimono traditionnel, et les lança à travers la pièce.
Elle dispersait ça et là ses affaires, comme pour évacuer sa frustration. Pas la peine de casser quoi que ce soit dans un lieu collectif pour semer la zizanie… Il suffisait simplement de laisser traîner un vêtement par terre pour provoquer l’agacement des membres de la maisonnée… mais Deshi savait bien que sa petite crise n’allait pas durer, et en tant que membre illustre aspirant à la bonne entente, elle alla ramasser sagement ses affaires.

Etant donné l’effet gravitationnel jouant sur toute chose, les larmes n’eurent aucune barrière pour être retenues, et ce déversement d’émotion fit tomber la jeune fille à la renverse, le visage dans ses mains, tentant tant bien que mal de retenir le flot de cette eau salée semblant ne pas lui appartenir tant elle se déversait en dehors de tout contrôle.
Des bruits de pas se faisaient entendre dans l’allée, et leur cadence passa de rapide à mesurée. Deshi essuya ses yeux et se précipita dans la cuisine à la recherche d’un oignon pouvant lui servir d’alibi à ses yeux rougis. A la recherche d’un reflet dans une des vitres de la maison, elle ne parvenait pas à distinguer clairement son état… et elle ne put que constater l’effet ravageur que les larmes avaient eu sur son maquillage.
La porte d’entrée grinçait maintenant, et Deshi avait reconnu le personnage… Toya avait souvent cette démarche, et cette manière d’enclencher à fond la poignée avant de pousser la porte pour entrer.
La jeune fille se recroquevilla derrière contre le mur de la cuisine, près du plan de travail afin qu’elle soit un minimum visible si Toya décidait de passer par la cuisine.
Elle l’entendit jeter les clés dans le plat de l’entrée, défaire ses zoris, puis passer par la porte du salon où il s’arrêta. Oh, c’est pas vrai, mes affaires ! S’insurgea intérieurement Deshi. Je suis vraiment trop co…

- Deshi ?

Deshi venait de rouvrir les yeux à l’annonce de son prénom. Elle ne savait que faire : fuir, rester, simuler… ? Avec la chance qu’elle avait, elle était sûre de se trouver dans une situation grotesque, aussi elle décida de couper court à sa partie de cache-cache. Elle essuya son visage du revers de la main et se redressa.

- Desh…
- … Je suis là.

Toya se retourna et aperçu la jeune fille en débardeur petite culotte dans la cuisine. Face à la mine étonnée du garçon, Deshi voulut sortir son excuse de l’oignon, mais elle préféra tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de sortir une énormité.

- Où sont les autres ? Demanda-t-elle alors.
- Au festival.
- Tu les as laissés ? S’étonna-t-elle.
- Oui, eux s’amusent, mais vu que toi tu n’allais pas très bien… j’ai pensé que…
- … que tu pourrais revenir pour remuer le couteau dans la plaie.
- Tu es sûre que tu veux que tu veux qu’on en reste sur un malentendu ? J’aurai plutôt pensé que tu voudrais en parler… au calme.
- S’il te plaît, ne me fais pas tout recommencer. Tu sais très bien quelles sont mes positions.
- Je te promets que je ne chercherai pas à esquiver, cette fois. Dis tout ce que tu veux que j’entende, crache des mots si tu n’arrives pas à faire de l’ordre dans tes pensées, et je te promets que désormais, mes intentions seront claires.

Deshi hésita un moment, déroutée par la demande de Toya. Elle avait l’habitude de lancer ses phrases excessives lorsqu’elle jugeait bon d’avoir une réaction derrière résultant de l’imprévu. Là, il pouvait avoir tout préparé, et ses mots choisis auront d’autant plus d’ampleur qu’ils pourraient anéantir toutes les ambigüités que Deshi prenait en sa faveur. Au final, elle préférait qu’il ne soit pas clair dans sa façon d’agir, plutôt qu’il soit catégorique dans ses futurs jugements. Elle devait se préparer à ne plus avoir sa part de rêve, de recherche qui la rendait si fébrile à la moindre attention du jeune homme… Mais soit, il lui offrait la possibilité de s’expliquer sans s’échapper, alors elle ne laisserait pas partir le train en marche sans faire partie des voyageurs :

- Je… J’aurai tellement voulu que ce festival nous rapproche, je pensais que ce serait vraiment l’élément déclencheur… celui qui… comme le bal avant que n’arrive l’accident de Yuko… mais non, et puis j’ai tout fait foirer…
- Tu t’attendais vraiment à ce qu’il y ait quelque chose à ce festival ?
- …

Des larmes commençaient à sourdre au coin de ses yeux. Deshi porta une main à son visage et la fit coulisser près de sa tempe, regardant par terre… regardant dans le vague.

- Tu…Comment dire, tu anticipes trop, et tu sais très bien qu’en général, plus on essaie de prévoir les choses, moins elles se passent comme on le souhaite…
- J’aime pas les surprises, ou lorsque la situation m’échappe… je préfère prévoir plutôt que de me retrouver devant le fait accompli sans parade, surtout face à toi.
- Parades ? Tu es trop sur la défensive ! Tu ne crois pas que c’est tellement mieux lorsque c’est imprévisible ?
- Mais je ne suis pas imprévisible !
- Si, tu l’es, toutes ces choses que tu fais, du moins, ta façon de faire, d’agir…
- Non, ce n’est pas ça dont je parle ! Tu sais très bien que je t’aime, et que tout ce que je fais, c’est pour que toi aussi tu me voies. La gentillesse, la répartie, ma mauvaise humeur, ma bonne humeur même certaines de mes gaffes… je fais tout pour que tu me regardes ! Lança-t-elle en regrettant aussitôt ses paroles.
- …
- J’ai dit quelque chose de mal ? Reprit-elle, un peu déçue.
- Non, rien.

Toya s’approcha de Deshi et lui passa sa chemise sur le dos. Il passa ensuite sa main sur le visage de la jeune fille, fit glisser son pouce sous ses yeux afin d’enlever le mascara qui avait coulé. Elle ne broncha pas, s’interdisant même de respirer pour ne pas avoir à renifler… et se rendit compte à quel point elle était pitoyable.

- Tu comptes énormément pour moi, Deshi…
- Mais…
- Non, il n’y a pas de mais. Il n’y a plus de mais.

Elle lança un regard dubitatif, et les larmes, ne rencontrant plus de barrières psychologiques, se mirent à couler d’elles-mêmes lorsque Deshi se jeta dans les bras du garçon qu’elle aimait pour l’embrasser.

Elle reposa la tête sur son épaule, et marmonna à l’adresse du garçon :

- C’est jamais simple avec toi…
- Sinon où serait le défi ? Plaisanta-t-il.

Deshi eut envie de s’endormir à l’instant, tant elle était fatiguée par le trop plein d’émotions contraires qui la submergeaient. Mais le cliquetis significatif de la porte la fit réagir : elle se retira vivement de Toya… pourtant quel mal y aurait-il à montrer cette relation ? Intérieurement, elle n’était pas sûre de la décision de Toya, s’il ne l’avait pas fait pour se déculpabiliser, et elle ne voulait pas être un poids pour lui.

Les arrivants étaient bruyants, ils se contredisaient tous, et Deshi n’arrivait pas à suivre leur conversation :

- … De toute façon, nous ne serons pas tranquilles tant qu’il y aura Kurao, affirmait Kima.
- Tu crois vraiment que c’est Kurao qui fait ça ? Lui répondit Satoshi.
- Mais attends ! Il y a vraiment trop de hasard sur ce qui nous tombe dessus : Denchu, une voleuse, Deshi une séductrice sans morale, et maintenant moi en place de racketteuse violente !

A l’annonce de son prénom, Deshi avait levé la tête. Elle voyait Toya qui la fixait sans ménagement, et elle se sentit mal à l’aise. Le jeune homme avait perçu le signal et vint se près derrière elle l’entourer de ses bras. Il y eut un temps d’arrêt dans le tumulte de la discussion, puis ils reprirent avec plus d’hésitation :

- Enfin… bref, on est pris comme bouc émissaire…et je ne sais pas sur qui tombera la prochaine attaque… Reprit Kima.
- Attaque, attaque… Modérait Takeshi. C’est plutôt des actions type vandalisme, rien de bien méchant…
- Rien de bien méchant ? Le coupa Denchu, abruptement. Tu te rends compte que c’est de notre vie sociale dont il s’agit ? Ca ne se règle pas avec des attaques, mais avec un système judiciaire ! C’est limite si on risque plus car sur de la « discussion », on ne peut rien. Eux, ils ont des preuves !

Le dialogue fut interrompu par l’arrivée de Haneru. Il semblait déboussolé, Yuko ne l’accompagnait pas, et Kima craignit le pire :

- Que… que s’est-il passé ?
- C’est Yuko… elle… ils l’ont gardé.
- Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle a ? C’est quoi le diagnostic, je pourrai l’aider ! S’anima sa compagne.
- Non, tu ne peux rien. Yuko n’a que la moitié de son cœur… et il ne peut pas alimenter tout ce que son corps réclame. Ils ont dit… ils ont dit que ses organes étaient en état de décomposition, que son cas était unique…

A mesure que Haneru récitait les phrases des médecins, il ne pouvait contenir sa tristesse, et ses yeux, habituellement rieurs, étaient imprégnés par le chagrin…

- … Et qu’elle n’en a plus pour longtemps.

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